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De si longues Fiançailles
29 janvier 2020

Lettre de Philippe à Denise, Nantes 16-12-1930

Je ne sais si je vous ai dit que ma mère, revenant de Paris, a eu une bronchite très sérieuse[1] et je passerai toutes mes vacances de Noël à Royan. Je serai là-bas à partir du 23 décembre jusqu’au 4 janvier et je vous autorise pleinement à m’écrire là-bas : ni ma mère, ni personne de ma famille ne songerait à s’inquiéter de qui peut m’écrire !

Lucie & Eric-Noël année 1960 Lucie, mère de Philippe, en 1960 avec son petit-fils Eric-Noël

Si vous n’avez pas dansé une seule fois depuis que vous êtes partie de Royan, c’est un grand tort : voulez-vous faire vœux de ne danser qu’avec moi ou devant moi ? Je ne suis pas si jaloux que ça, à condition que Denise reste pour moi ce qu’elle était à la fin de l’été dernier.

Je voulais vous demander si votre mère ne vous a jamais parlé de moi. En tous cas, je vous supplie de m’avertir si un jour vous aviez une discussion à mon sujet –cela pour des raisons que je ne veux pas vous donner maintenant.

J’ai aussi à implorer votre pardon de quelque chose de très grave : vous me dites dans votre lettre que vous êtes sûre que je suis moins sage que vous et cela évoque des remords chez moi…

Car en effet, il y a quelque temps, deux jours (dimanche), j’étais parti avec un camarade pour me promener et aller au cinéma pour la soirée. Or nous rencontrâmes à la sortie du cinéma, vers 11h1/2, des amis qui étaient très gais… bref, alors que vous dormiez, dans cette nuit du 14 au 15 décembre, après m’avoir écrit une gentille lettre, moi, très indigne, je suis rentré chez moi à 3h du matin, pas solide sur mes jambes, ivre de kirsch et de whisky, et très enroué à force d’avoir hurlé. Telle est ma confession, je ne plaide pas les circonstances atténuantes, bien qu’il y en ait, j’attends le verdict.

cinéma Apollo à Nantes années 30 L'Apollo, vers 1930, un cinéma disparu de Nantes.

Dieu, avec sa religion, est une belle fumisterie qui sert à conduire les hommes comme des moutons en troupeaux, le bien et le mal sont des règlements d’utilité sociale inventés par les malins pour plumer les niais. Mektoub ! je suis d’humeur passablement noire.



[1] Le problème de la santé de la mère de Philippe reviendra épisodiquement dans cette correspondance. Elle était en effet réputée fragile des bronches, comme son frère cadet, Maurice, décédé de la tuberculose en 1923. NDLR

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