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De si longues Fiançailles
13 février 2020

Lettre de Denise à Philippe, Paris 29 janvier 1931

Phil, vous êtes un garçon méchant, sans cœur et complètement stupide si vous avez pu croire que j’ajouterais foi un instant aux divagations de votre lettre. Elle a eu un seul bon  résultat : celui de persuader ma mère que tout était fini entre nous, car je lui ai fait lire, et par conséquent, de réduire à néant les objections qu’elle n’aurait pas manqué de faire au moment de mon départ pour Royan. Car j’irai à Royan pour Pâques, je vous en donne ma parole, même si je n’entends plus parler de vous d’ici-là, et nous verrons bien si vous aurez le courage de répéter toutes les méchantes choses que vous m’avez écrites.

Vous vous trompez lorsque vous croyez que votre lettre m’a fait de la peine, elle m’a seulement laissé le vif désir de vous jeter à la figure tout ce qui se trouvait à portée de ma main pendant que je la lisais : malheureusement, c’était peu réalisable.

Voyons, Phil, c’est impossible que vous ayez pensé une seule minute que j’accepterai de ne plus vous écrire, de ne plus vous revoir comme cela, sans raison, car toutes celles que vous me donnez ne valent rien. Il y a une chose seulement qui ressort de tout cela : c’est que j’ai été stupide et maladroite de vous répéter les divagations de ma mère à votre sujet, mais ce n’était tout de même pas une raison suffisante pour me faire souffrir, et pour vous faire du mal aussi par la même occasion, parce que, voyez-vous, je suis bien persuadée que malgré tout votre orgueil, vous n’avez pas écrit cette maudite lettre de gaieté de cœur, et maintenant, sans doute, vous le regrettez et vous avez peur que je la prenne au sérieux, -ou alors, vous ne m’aimez pas, vous ne m’avez jamais aimée, et cela non plus, je ne veux pas le croire.

Phil, il y a une chose que j’ai constatée en lisant votre lettre, et cela m’a fait beaucoup de peine : c’est que vous n’avez nullement confiance en moi. Mais, stupide garçon, ne comprenez-vous pas que je vous aimerai dans un an ou dans dix ans comme je vous aime aujourd’hui, c'est-à-dire avec toute ma tendresse, et tout le désir que j’ai de vous rendre heureux. Il n’y a que vous qui comptiez pour moi, le reste, je m’en fiche, que faut-il donc que je fasse pour vous en persuader ?

1923 01 01 Dessin Dessin exécuté par Denise (14 ans) en janvier 1923 et envoyé à Philippe au début des années 30. Les initiales D.P signifient Denise Proutaux.

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