Lettre de Denise à Philippe, Paris, 21 avril 1931

Figurez-vous qu’il m’arrive une chose terrible, depuis que je suis ici, il m’est impossible de vous écrire. Je pense à vous tout le temps, mais je n’ai pas le courage de mettre mes pensées sur du papier. C’est peut-être de la paresse, c’est peut-être aussi  du cafard, parce que vous écrire me fait mieux réaliser votre absence.

Après votre départ, j’ai fait du tennis presque constamment. Simone m’avait abandonné –un peu tard. Mais j’ai un peu d’espoir pour les prochaines vacances : ça a l’air de marcher avec Louis Audebert [1]. Il  lui a écrit aussitôt après son arrivée à Bordeaux, c’est bon signe.

"Après votre départ, j’ai fait du tennis presque constamment." Au Garden, à Royan, de gauche à droite: Lucien Lembeye, Simone, René Chevallier, Denise et Guy Massé.

Je vous en prie, soyez reçu à votre examen. J’espère de tout mon cœur que je vous porterai chance. Ce serait trop terrible, voyez-vous, de passer les vacances séparés l’un de l’autre.

En rentrant à Paris, j’ai trouvé la plus amusante de mes amies, fiancée. Elle n’a pas dix-neuf ans et son fiancée vingt-trois, mais comme il est encore étudiant, ils se marieront seulement dans dix-huit mois. Elle trouve que c’est très long, et ils sont tout le temps ensemble ! Et en plus, ses parents quittent Paris, alors elle a plaqué ses études de pharmacie et cherche une situation pour rester avec lui. Je vois la tête que feraient les miens si je leur annonçais que je veux passer seulement deux jours à Nantes. Maman n’a pas désarmé à votre égard, mais selon son habitude, elle ne m’a pas parlé de vous directement.

[1] Simone, la sœur de Denise est très courtisée. Louis Audebert devait être le prétendant du moment.