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De si longues Fiançailles
9 mars 2020

Lettre de Denise à Philippe, Paris, 17 mai 1931

Phil, vous êtes très gentil d’avoir pensé à ma fête, et je vous en remercie de tout mon cœur : seulement, je suis un peu ennuyée, car on ne m’a pas remis le paquet que vous m’aviez annoncé. Il est vrai que j’ignorais son envoi et ne l’ai pas réclamé ; puis je suis passée à la poste vendredi, peut-être n’était-il pas arrivé.

Poste 1931 Salle de l'arrivée du courrier         Poste 1931 salle du public

 

Un grand bureau de poste parisien en 1931

Moi non plus, je n’ai pas oublié votre fête, alors je vous ai brodé un mouchoir, comme je vous l’avais promis à Royan, et vous le recevrez dans quelques jours.

Phil, je pense que trois mois encore sans nous voir, c’est terriblement long, et je me demande comment j’aurai le courage de passer l’hiver sans vous. J’ai une autre amie qui est fiancée, et celle-là se marie en juillet –je crois même que je serai demoiselle d’honneur. Est-ce que vous ne trouvez pas ça injuste et révoltant, que des gens qui ne sont pas beaux du tout, qui s’aiment seulement un petit peu, soient unis pour toujours, alors que nous, nous serons séparés indéfiniment ? Ça me donne envie de trépigner et de me mettre en colère, comme lorsque j’étais une petite fille et qu’on refusait de faire ce que je voulais. Phil, je vous assure, je regarde maintenant tous les gens qui vont par couple, ça ne manque pas à Paris, eh bien ! ils sont tous laids, ou vieux et ils ont l’air stupide. Et quand je regarde autour de moi, je ne vois rien qui ressemble à l’amour, du moins comme je le comprends. Car ce n’est pas de l’amour, n’est-ce pas, d’être liés par les mêmes intérêts communs  et les mêmes petites préoccupations mesquines ? Alors, ça me décourage, et j’en viens à me demander si vous existez réellement et si je n’ai pas rêvé mes vacances. Heureusement, vos photos sont là, et aussi vos lettres. Il me semble qu’une petite fille comme moi, ça doit s’oublier bien plus facilement qu’une femme. Je me souviens du conseil qu’Hospitel vous donnait au moment de Pâques, mais, voyez-vous, Phil, ce serait trop mal de l’écouter, parce que je ne peux plus me passer de vous maintenant. Avant de vous connaître, je pensais seulement à jouer au tennis, à prendre le thé avec mes amies, à danser et à embêter mes petits flirts, mais à présent, j’ai seulement envie de me blottir dans vos bras et de me sentir toute petite à côté de vous. C’est drôle, j’ai l’impression de vous aimer avec un cœur de toute petite fille, est-ce que vous en êtes fâché ?

Au-revoir, mon ami, je crois que je m’endors et que je vous raconte des sottises, alors, je m’arrête pour que vous ne me grondiez pas.

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