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De si longues Fiançailles
17 mars 2020

Lettre de Denise à Philippe, Paris, le 21 juin 1931

Je crois que vous avez un peu de chance tout de même d’être à Royan, il me semble que là-bas, même sans vous, j’aurais moins le cafard qu’ici justement parce que votre souvenir me serait plus présent. C’est terrible de ne pas savoir exactement quand je vous reverrai –vers le 15 août, je l’espère, mais encore deux mois à attendre, c’est long.

Quand saurez-vous le résultat de votre examen ? Et la seconde partie a-t-elle marché comme vous le désiriez?

Simone passe le 2, je souhaite qu’elle soit reçue, il est vrai que si elle était collée, nous partirions sans doute plus tôt pour Royan. Jusqu’à quelle époque y resterez-vous cet été ?

Vous aurez plus de temps maintenant pour m’écrire, alors, envoyez-moi de longues lettres, même si les miennes sont très courtes, parce que, comme chaque année à l’approche des vacances, j’ai des tas de choses à faire et pas beaucoup de temps pour les exécuter. Je crois que vous devez voir Hospitel, a-t-il déjà constitué son harem ?

Je lis en ce moment quelque chose de pas mal : « Manitoba » de M. Constantin-Weyer[1].

1931 06 21 Maurice Constantin- Weyer Manitoba   1931 06 21 Maurice Constantin- Weyer Un homme se penche sur son passé

Oeuvres de Constantin-Weyer

Je crois que vous aimeriez, c’est dans le genre de « Un homme se penche sur son passé ».

J’ai lu aussi « La vie de Lyautey » d’André Maurois et « Sainte Marine » de Louis Guichard[2], ce dernier assez quelconque, du moins à mon avis. Je vais aller voir un film dont on parle beaucoup, et qui est dans le genre « Ombres blanches[3] », avec cette différence que tous les acteurs sont des « natives ». Il a été tourné à Bora-Bora, près de Tahiti[4]. J’adore ces films-là, mais ils me donnent le spleen, je vous expliquerai pourquoi un jour. Si celui-là, par miracle, se joue à Royan cet été, nous irons le voir ensemble, n’est-ce pas Phil ?

1931 Maurois Vie de Lyautey   1931 06 21 Louis Guichard Sainte Marine 

Maurois & Guichard

1931 06 21 Tabou (2)   1931 06 21 Tabou (3)

Tabou

Est-ce que vous faîtes du tennis ? Que faîtes-vous toute la journée là-bas ? Pensez-vous beaucoup à moi vraiment ? Est-ce qu’Hospitel vous a fait un sermon pour que vous cessiez de me voir ?

Vous serez gentil tout plein de m’envoyer de la laine de tous vos pulls, j’ai perdu le bout que vous m’aviez donné et je ne peux pas en acheter par conséquent.

Si on prend des photos de vous, vous me les enverrez n’est-ce pas ?



[1] Maurice Constantin-Weyer (1881- 1964) est un écrivain français. Romancier, biographe et essayiste, il a vécu dix ans dans l'Ouest du Canada entre 1904 et 1914 et cette période aventureuse de sa vie a nourri une grande partie de son œuvre ultérieure écrite en France entre 1920 et 1950. Il est un écrivain à succès connu surtout pour ses romans d'aventures dont le plus emblématique est Un homme se penche sur son passé, couronné par le Prix Goncourt en 1928, et dont l'action se situe dans les grands espaces de la Prairie du Manitoba et du Nord canadien au début du XXe siècle.

[2] Louis Guichard (1893-1979), Officier de marine et écrivain français, fut chef de cabinet de l’amiral Darlan.

[3] Ombres blanches est un film américain réalisé par W. S. Van Dyke et Robert J. Flaherty, sorti en 1928. Le film est une adaptation du roman de Frederick O'Brien « White Shadows in the South Seas », partie d'une trilogie fondée sur les expériences vécues par l'auteur dans les îles du Pacifique, publié en 1919. Produit par Hunt Stromberg et Irving Thalberg pour la Metro-Goldwyn-Mayer, le film a été tourné pendant cinq mois à Tahiti. Il s'agit du premier film jamais tourné dans les îles de la Polynésie française.

[4] « Tabou » (1929/1931) est le film muet du célèbre réalisateur allemand F. W. Murnau inspiré de l’histoire de Robert Flaherty face au quotidien des habitants des îles. Tourné à Bora-Bora, certaines scènes montrant des nageurs nus ont été censurées aux Etats-Unis et en Finlande. Le tournage a duré 18 mois, perturbé par de nombreux événements qui l’ont fait entrer dans la légende de « film maudit » sur lequel des sorts auraient été jetés, en témoignent des noyades et des empoisonnements de l’équipe ainsi que des explosions mystérieuses. Murnau et son équipe avaient soi-disant, violé certains tabous en aménageant leur QG dans un ancien cimetière et en filmant des récifs sacrés. Pour couronner le tout, Murnau est mort dans un accident de voiture, huit jours avant l’avant-première du film à New York.

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