Lettre de Philippe à Denise, Nantes 15-10-1931

Hier vers midi a pris fin mon examen. Je ne suis pas mécontent de mes compositions, mais je n’en suis pas trop content non plus. Toutefois, je puis espérer le succès, et maintenant va commencer l’attente.

Votre dernière lettre m’a fait plaisir et peine. Plaisir, car maintenant, je connais un peu le cadre de votre vie loin de moi et je peux ainsi mieux vous imaginer. Peine, parce que, malgré tout, je sens bien que j’en suis exclu, de ce cadre, comme de toute votre vie lointaine. Mais vous savez, je ne tiens pas à ce que vous deveniez neurasthénique et il est bien suffisant  qu’i m’arrive de broyer du noir.

"Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre[1]", le vers de Vigny m’obsède.

  Citation extraite des Poèmes antiques et modernes

Depuis un an, je n’ai eu qu’une préoccupation : l’examen. En juillet, je me suis fait collé et j’étais désespéré. Vous avez trouvé que cet été, j’étais changé et une ou deux fois, vous m’avez dit « Là, vous ressemblez au Phil de l’année dernière », c’est qu’à ce moment, j’avais oublié l’examen, l’avenir et tout ce qui est encore dans le noir –mais tout le reste du temps, dès que je suis seul, et même lorsque je ne le suis pas, je pense à cet examen. C’est dur de n’avoir ainsi jamais de repos.

Je vais rester quelques jours à ne rien faire, jusqu’à dimanche ; après, je préparerai l’oral (fixé officiellement au 25 novembre).

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[1] Citation extraite du poème « Moïse », composé de plus d’une centaine de vers, écrit par Alfred de Vigny (1797-1863). Il commence ainsi :  Le soleil prolongeait sur la cime des tentes Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes». La citation est une sorte de leitmotiv qui revient à plusieurs reprises dans le poème. Publié au sein du recueil Poèmes antiques et modernes, Moïse (1822) est un long poème qui donne la parole directement au prophète.