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De si longues Fiançailles
12 avril 2020

Lettre de Denise à Philippe, Paris, ce mercredi 28 octobre 1931

Phil, j’ai reçu votre lettre cet après-midi et elle m’a fait une peine très grande. J’aurais voulu y répondre immédiatement, mais j’étais obligée de sortir, et voyez-vous, cela c’était encore plus triste, devoir faire ou dire des choses indifférentes pendant que je vous sentais souffrir, et que toute ma pensée était avec vous… Mon ami, mon ami, je vous en prie, ne vous découragez pas. Je vaux bien la peine qu’on lutte un peu pour moi, en doutez-vous ? et croyez-vous que je vous ai choisi, vous parmi tous les autres, pour vous perdre un jour ? Non, cela, je ne le veux pas, de toutes mes forces. C’est mon bonheur que je défends, et je serai âpre à la bataille, je vous préviens. Vous n’avez plus le droit, vous m’entendez, Philippe, plus le droit de me quitter maintenant. Ou alors, vous avez été déloyal chaque fois que vous avez dit m’aimer, parce que vous saviez bien que je le comprenais ainsi pour toujours, et pas seulement pour quelques mois.

Vous me dites que deux de vos amis se sont engagés dans la flotte pour cinq ans, et je devine tellement ce que vous avez pensé en m’écrivant cela. Pourquoi ne passeriez-vous pas vos deux examens ensemble, en juillet prochain, ou bien l’un en juillet et l’autre en octobre ? Ou alors, pourquoi ne vous engageriez-vous pas pour être débarrassé plus vite de votre service, et ne partiriez-vous pas ensuite à l’étranger ? Je pense qu’il y a encore quelques pays sur la terre où un garçon jeune et énergique peut se débrouiller. Je vous attendrai ou je vous suivrai, Phil, mais je ne veux pas être séparée de vous pour toujours… C’est terrible de songer que nous sommes loin l’un de l’autre, quand j’aurais besoin de toute ma force pour vous en persuader. C’est peu de chose, ces pauvres mots que j’emploie, j’en voudrais connaître d’autres pour que vous sentiez tout mon cœur, toute mon âme, pour que vous compreniez enfin tout l’amour que j’ai pour vous, une chose très pure et très grande qui emplit toute ma vie. Je vous jure, Philippe, le jour où vous partirez, il ne me restera rien sur la terre, puisqu’une seule chose compte pour moi, et c’est vous, mon ami. Je suis sûre que tu m’aimes[1], vois-tu, et c’est cela qui me donne le courage de t’écrire comme je le fais ce soir, des choses folles qui n’ont plus de sens, et des mots qui n’arrivent plus à s’assembler, parce que mes yeux sont pleins de larmes. Dis-moi que tu ne penses pas à me quitter et laisse-moi pleurer contre ta poitrine, parce que j’ai tant de peine, tans de peine…

La fin d'un rêve Robert Vignaud roman  La fin d’un Rêve[2] ? comme le roman éponyme de Robert Vignaud paru en 2016?



[1] C’est la première fois que Denise emploie le tutoiement ; il ne deviendra permanent que quelques mois plus tard, après des retrouvailles à Royan.

[2] Sans être identique à la vie de Philippe, ce roman a cependant des points communs avec son parcours de vie. Jugez-en par vous-même : Robert Vignaud (pseudonyme littéraire de Bernard Laffort), Charentais d'origine, devance l'appel à 18 ans pour faire ses classes dans la marine Nationale avant d'embarquer sur "LE COLBERT" le navire de l'Amiral d'escadre. A l'issue de ses 18 mois de service, il intègre la marine marchande pour un an avant de rejoindre le ministère de l'Intérieur au sein duquel il occupera divers postes à responsabilités. Parallèlement, il devient auteur, comédien et metteur en scène de troupes amateurs. La retraite lui laisse ensuite le temps de se livrer à sa passion : l'écriture, et nous ne sommes pas déçus par son premier roman intitulé "La fin d'un rêve".

Dans ce roman, Robert Vignaud profite de sa connaissance approfondie de la Marine Nationale pour  nous raconter l'aventure humaine de Gilles, un jeune homme de 18 ans. Engagé par devancement d'appel, pour se libérer de ses obligations militaires avant de se marier avec Odette, Gilles découvre à Brest la rigueur militaire durant ses classes avant d'embarquer pour de bon sur un navire de guerre. Dans l'espace réduit d'un navire d'escadre, il est confronté à une promiscuité favorisant l'amitié.

Au gré des escales, il découvre des pays dans lesquels il multiplie les expériences féminines et les rencontres hautes en couleurs. Cette liberté relative, il est militaire tout de même, sera un révélateur avant son retour à la vie civile.

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