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De si longues Fiançailles
16 avril 2020

Lettre de Philippe à Denise, Bordeaux 09-11-1931

Je n’ai reçu votre lettre que ce matin car je suis parti de chez moi depuis mercredi mais sans laisser d’adresse. J’ai essayé de naviguer pendant 3 ou 4 mois, mais c’est impossible à l’heure actuelle, il y a trop de navires désarmés[1], alors je vais reprendre le cours et me présenter en juillet.

J’aurais voulu vous écrire plus tôt mais tous les jours j’ai été très pris et lorsque le soir venait, je n’avais pas le courage de vous écrire, seulement de penser à vous. A Nantes déjà, j’étais souvent seul, mais je connaissais des amis avec lesquels il me fallait sortir. Ici, je crois que je le serai encore plus. Ma solitude me rapproche de vous et c’est pourquoi je l’aime. Pourtant, il y a des soirs où c’est dur de n’avoir personne à qui se confier. Alors, ces soirs-là, je prends vos photos et je les regarde longtemps, et les jours passés ensemble revivent, ou bien je relis vos lettres et ma solitude orgueilleuse me pèse moins. Orgueilleuse parce que je me l’inflige et aussi parce que les gens que je connais ne me plaisent pas. Me saviez-vous si difficile ? Oui sans doute, alors que tous les « gens » ont des foules d’amis et amies ; moi, je n’ai que deux amis et une seule amie. Une seule qui est plus pour moi que toutes celles que la terre pourrait m’offrir.

Si j’ai eu de la peine parce que j’ai été collé à mon examen, c’est moins pour mes vacances perdues ou pour l’effort à fournir à nouveau, qu’à cause de vous, à cause des longs mois qui vont s’écouler lentement avant que je vous retrouve et puis parce que j’ai douté de moi, et aussi pour beaucoup de raisons inexprimables.

Voici ma nouvelle adresse : 7 rue Mouneyra –Bordeaux.

1931 11 14 n°7 rue Mouneyra à Bordeaux  c'est au n°7 rue Mouneyra à Bordeaux que Philippe trouve une chambre d'étudiant



[1] «  Les Compagnies de navigation furent touchées plus rapidement que le reste des Entreprises françaises par la crise de 1929, car elles étaient très sensibles aux fluctuations du commerce extérieur. La Marine marchande dépendait, en totalité, sans le contrepoids du marché national, de convulsions économiques contre lesquelles elle ne pouvait rien : crise du blé, du café, du sucre, du coton, de la laine, du caoutchouc, des métaux, des changes.

La Marine de Commerce française souffrait, comme ses concurrentes étrangères, de la trop grande abondance du tonnage. Le tonnage, paquebots et navires de charge, mis en service depuis la Grande Guerre, avait augmenté dans des proportions considérables. On avait parlé de " folie des constructions" jusqu'en 1932. En particulier, le tonnage des nouveaux paquebots dépassait largement les besoins du trafic. Au moment de la crise, beaucoup de Compagnies avaient en construction du matériel nouveau commandé pendant l'ère de prospérité. Une pléthore de tonnage s'ensuivit, croissant au fur et à mesure de l'entrée en service de ces bâtiments. Aussi, fallut-il désarmer. On peut estimer que les désarmements atteignirent en 1933 entre 20 et 25 % des capacités de transport maritime. La France subit rudement le choc puisque 33 % de ses navires furent immobilisés, soit un taux supérieur à celui de tout autre pays.

L'augmentation du tonnage s'était doublée d'un accroissement de capacité de transport. Il y avait aussi eu une amélioration de la vitesse des navires.

En réalité, la flotte de commerce mondiale avait atteint des sommets en matière de tonnage, de capacité et de rapidité au moment où le commerce international connaissait des niveaux très bas. Comme le montrent les statistiques, le trafic du canal de Suez baissa de près de la moitié entre 1919 et 1931. Le trafic par le canal de Panama n'était pas non plus épargné par la crise, se réduisant de moitié. La crise mondiale touchait aussi les frets. Aussi, dès qu'un marché s'améliorait, un grand tonnage se précipitait vers lui. On assistait aussitôt à une offre très forte pour une demande très petite. Les frets atteignaient alors des niveaux très bas. La crise économique avait créé un déséquilibre entre la capacité des transports mondiaux et les besoins d'un trafic très réduit.

La crise mondiale de la marine marchande s'atténua à partir de 1936. » 

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