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De si longues Fiançailles
27 avril 2020

Lettre de Philippe à Denise, Bordeaux 16-01-1932

Je reconnais que depuis quelque temps, je suis très paresseux pour écrire et je m’en excuse. Ce que j’ai fait pendant mes vacances de Noël, c’est si peu que je ne vous en parlais pas –des promenades à pied ou en auto avec Pierre (Bouzin) et Mic (Drouin). J’ai lu « Typhon[1] » de Conrad qui est très exact comme peinture de caractère. J’ai eu l’occasion de causer avec des marins anglais, je connais leur manière de vivre à bord, et le livre en donne souvent une représentation très précise.

1932 01 16 Joseph Conrad Typhon   «Typhon», de Conrad, très exact comme peinture de caractère.

Vous me parlez d’un film « Kriss », qui, évidemment, n’est pas encore passé à Bordeaux. Pourtant, je crois que tous ces films exotiques ne tarderont pas à lasser le public. Je suis allé hier  voir « Le Chant du Marin[2] » que j’ai trouvé très bien, d’abord parce que cela a trait à tout ce que j’aime, et puis aussi, parce que c’est la peinture fidèle de la vie des matelots. De plus, il y a de très jolies vues, et des chansons agréables, exception faite des chansons prises sur le vif et qui sont beaucoup plus anciennes que le film, et même, pour l’une, que moi.

1932 01 16 Le Chant du Marin  Je suis allé hier  voir «Le Chant du Marin»

Vous me demandez ce que je fais. Vous voyez, c’est très peu : l’école, dont je ne vous parle pas, et quelques distractions, un livre, un film. La régularité de ma vie ne laisse guère de place à l’imprévu et c’est ce qui me pèse parfois.

Je suis très heureux pour vous que vous ayez trouvé le moyen d’utiliser un coup de crayon que je n’ai jamais pu connaître, mais… je voudrais quand même vous voir à Pâques si c’est possible. Songez que nous n’avons été ensemble que vingt jours dans toute la durée de cette année 1931 !

Mes lettres se font plus rares, mais je pense toujours à vous, peut-être encore plus qu’autrefois, et si je travaille, si j’ai abandonné toute idée de faire un coup de tête, c’est à cause de vous.

Je pense que vous ne m’en voulez pas trop de mon silence et que vous me répondrez plus vite que je n’ai fait.

PS : je n’ai pas déménagé et suis toujours 122 boulevard Antoine Gautier.

l'ancien 122 boulevard Antoine Gautier à Bordeaux  le 122 boulevard Gautier n'existe plus, la numérotation a changé, mais la chambre louée par Philippe devait se trouver dans cette maison d'angle, au-dessus de la pharmacie.



[1] Typhon est une nouvelle de Joseph Conrad. Elle se déroule au XIXe siècle à bord d'un navire de commerce pendant un typhon. Contrairement à ce que laisse penser le titre, et contrairement à l'impression donnée par une lecture superficielle, Typhon n'est pas un classique récit d'aventures maritime et son centre d'intérêt n'est pas la tempête.

Conrad lui-même, dans les notes de l'auteur présentées en tête du recueil Typhon et autres récits, s'est exprimé sur son œuvre et a clarifié son objet.

"De même que dans la plupart de mes ouvrages, ce ne sont pas les évènements eux-mêmes sur lesquels j'insiste ; mais l'effet qu'ils font sur les personnages"

La nouvelle est basée sur un fait réel dont Conrad avait entendu parler : "les circonstances du voyage d'un vapeur qui ramenait des coolies de Singapour vers la Chine du nord me revinrent à la mémoire".

"Cette affaire, dont l'intérêt ne résidait pas, cela va sans dire, dans le mauvais temps, mais dans l'extraordinaire complication que créait, dans la vie du navire, à un moment d'exceptionnel gros temps, l'élément humain qui se trouvait au-dessous du pont".

"La difficulté financière de l'affaire, qui présentait aussi un élément humain, avait été résolue par un esprit beaucoup trop simple pour que pût le troubler quoi que ce fût au monde".

Le centre d'intérêt principal de Typhon est la façon dont le capitaine MacWhirr réagit face aux évènements et dont il résout les problèmes qui se posent à lui.

Le capitaine MacWhirr est lui-même inspiré du réel : "MacWhirr… avec son esprit littéral et son indomptable tempérament… est le produit de vingt années d'existence. Ma propre existence. L'invention consciente a eu fort peu de part à sa création. S'il est vrai que le capitaine MacWhirr n'a jamais marché ni respiré sur terre… je puis assurer à mes lecteurs qu'il est parfaitement authentique."

[2] Le Chant du marin est un film français réalisé par Carmine Gallone, sorti en 1932. Deux marins, Georget et Marius, voient leur amitié vaciller pour une querelle de femme. « Le Chant du Marin est un film tous publics. Il est gai sans exagération avec une note sentimentale qui trouve tout naturellement sa place au cours de l'action menée avec brio par Albert Préjean et Jim Gérald. Et c'est surtout un film sain. Particularité qui est à considérer. On regrette que ce film habilement réalisé ne soit pas fait sur un rythme plus rapide, plus entraînant. Le Chant du Marin n'en est pas moins un film de qualité. Albert Préjean chante avec cœur de forts jolis couplets écrits par Serge Veber sur une musique de Van Parys. »

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