Lettre de Denise à Philippe, Paris jeudi 5 mai 1932

Ce n’est pas pour vous punir que je suis restée sans vous écrire, mais seulement par la faute d’une amie qui m’est «tombée» du ciel, je veux dire d’Amérique du Sud[1], depuis quelques jours. Je ne l’avais pas vue depuis trois ans et elle entre au couvent, alors elle me consacre ses derniers jours de vie dans le monde. C’est aussi elle qui m’a empêchée de finir la pochette que je voulais t’envoyer pour ta fête, tu la recevras la semaine prochaine. Je te demande pardon, mais tu sais, elle est très compliquée, il y a beaucoup de petits jours, alors c’est très long à faire.

Je t’écrirai une lettre très, très longue samedi. Je t’envoie aujourd’hui ce mot très mal écrit seulement pour que tu ne sois pas inquiet et que tu ne crois pas que je t’oublie.

Je n’ai pas vu Pierre Bouzin[2]. Je l’ai pourtant cherché partout. Son candidat est en ballotage ici, c’est aussi celui de papa[3].

  Louis Marin (1871-1960), candidat en ballotage?

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[1] J’ai plusieurs hypothèses concernant l’identité de cette jeune fille qui prend le voile, car Denise a de nombreuses photos de ses amies latino-américaines, venues parfaire leur français à Paris dans les années 20 et reparties dans leur famille. Je pense qu’il s’agit de Blanca Lila Orzábal, de nationalité argentine, devenue « sœur Alfred de Saint-Marc", fille de la Sagesse à l’Hôtel-Dieu de Nantes.

[2] Voici l'adresse de Pierre Bouzin que je relève dans le calepin de Denise. Il habitait chez sa mère: 141 avenue de Neuilly à Neuilly-sur-Seine, téléphone Maillot 00-71

[3] Les élections législatives françaises se sont déroulées les 1^er et 8 mai 1932, nous sommes donc entre les deux tours. Je me fonde sur les opinions politiques de mon grand-père, Lucien Proutaux, plutôt proche de la droite catholique pour essayer d’identifier son candidat qui est aussi celui de Pierre Bouzin. Il s’agit probablement de Louis Marin, leader de la droite nationale républicaine au sein de la Fédération Républicaine, élu au second tour le 8 mai.