Carte de visite d’Edith Láng László à Denise, Paris, le 10 septembre 1937
texte au dos de la carte de visite d'Edith
Ma chère Denise,
Excusez-moi de ne pas vous avoir envoyé les photos, mais ma mère a cherché en vain.
Comme vous voyez, nous avons réussi à trouver un petit appartement et nous serons bien contentes de vous revoir bientôt. Envoyez-moi un petit mot, pour me dire quand vous viendrez. Bien des amitiés. Edith[1]
Recto de la carte de visite L'immeuble où logeaient Edith et sa mère rue Blomet
Edith Láng László
Peu d’informations sur la vie d’Edith Láng László : elle est née en 1907, elle est d’origine hongroise et elle joue du piano en ayant suivi les cours du conservatoire. Le jury des concours de fin d'année du Conservatoire international de musique de Paris lui a décerné en 1932 un grand prix de virtuosité de piano. La pianiste canadienne Fleurette Beauchamp-Huppé (1907-2007), professeure, soprano, la cite comme ayant travaillé avec elle au piano dans les années 1933-34.
Les Relations d'Amrita avec Marie Louise Chassany et Edith Láng László
les adresses de Marie-Louise et d'Edith dans le calepin de Denise
Durant ses études aux Beaux Arts, Amrita est en collocation avec son amie Marie Louise Chassany (1911-1939) et a une vie sociale très développée. Les mouvements féministes de cette époque poussent les femmes audacieuses à tenter des expériences sexuelles et des rencontres aventureuses. Amrita est protectrice vis-à-vis de Marie-Louise en la soutenant dans son art, bien qu’il soit peu attractif.
Autoportrait de Marie-Louise Portrait de Marie-Louise par Amrita
Alors qu’Amrita est de passage en Hongrie, où elle retourne régulièrement, une rumeur enfle : elle serait dans une relation lesbienne avec Marie Louise, influencée par l’ambiance parisienne sulfureuse. Les deux jeunes femmes nient cela, et Amrita se justifie auprès de sa mère dans une lettre : « (…) je n’ai jamais eu de relation amoureuse avec Marie Louise, et je n’en aurai jamais. (…) Je confesse que je pense autant que toi aux désavantages des relations avec les hommes (…) Mais comme j’ai besoin de soulager ma sexualité physiquement d’une manière ou d’une autre (…) je pensais commencer une relation avec une femme si l’opportunité se présente ». Cette opportunité arrive peu après sous la forme d’Edith Láng László, une pianiste de six ans son aînée, qui devient l’amante d’Amrita[2]. Apparemment, c’est Marie-Louise Chassany qui aurait découvert leur liaison en les surprenant en pleins ébats.
Dès 17 ans, Amrita fait le lien entre l'Art, la Politique et sa bisexualité, qu'elle met en relation avec sa double appartenance culturelle. Son neveu Vivan Sundaram avance que le tableau Two Girls (1939) est une représentation de leur relation physique et de leur désir l’une pour l’autre. La peinture symboliserait en même temps le conflit entre le sombre et le clair, entre Orient et Occident, indiquant que cette « sexualité fluide » serait une caractéristique de la vie d’Amrita qui aurait influencé son art.
Two Girls, Amrita Sher-Gil, 1939
De plus, Amrita avait menti à sa mère sur la nature de ses relations avec Marie-Louise: quand elle découvre, plus tard, que ses parents avaient brûlé les lettres qu’elle gardait de Marie-Louise et d’Edith, elle leur en garde rancune pour avoir détruit ce qu’elle considère comme « de vieilles lettres d’amour »
[1] Denise et Edith ne se sont certainement pas beaucoup revues depuis le départ d’Amrita fin 1934. Edith a du recevoir des photos d’Amrita que Denise désirerait avoir.
[2] ( d’après https://collectifprenezcecouteau.com/2018/01/01/amrita-sher-gil/ )