Lettre d’Amrita Sher-Gil à Denise, Paris, date estimée vers le 15 juin 1933
Voici une lettre d’Amrita bien difficile à dater. Elle est pourtant primordiale puisqu’elle évoque les séances de pose pour un portrait de Denise, mais lequel ? A priori, il y aurait eu au moins 2 portraits de Denise réalisés, où elle est seule sur la toile, plus le portrait des Jeunes Filles, de 1932, où elle pose avec Indira. Il a existé également une aquarelle d’elle exécutée en 1931, mais dont Amrita n’était pas satisfaite et qu’elle a probablement détruite. Essayons de faire le point :
Lettre d'Amrita à Denise, non datée
Ma chère Denise
Est-ce que vous me pardonnerez pour ce que je viens de faire ? Vous seriez absolument justifiée d’être furieuse contre moi pour vous avoir abandonnée comme ça, sans même vous prévenir.
Le fait est que lundi matin, j’étais allée avec un ami à la Colarossi[1], et j’ai vu une scène qui m’a tellement intéressée, que j’ai demandé au gardien si la « model » posait la semaine prochaine aussi. Il m’a répondu dans l’affirmative. Aujourd’hui, heureusement, je suis allée pour demander des renseignements et le type m’a dit qu’on avait décidé de ne plus avoir la même « model » pour la semaine prochaine ! Vous pouvez imaginer comme j’étais enragée. J’ai voulu travailler la semaine prochaine seulement pour que je puisse compléter votre portrait à mon aise. Et voilà qu’une pareille chose m’arrive ! (Je sais que vous me comprendrez)
La "model" (voir les explications dans la lettre d'Indira du 26 août 1933)
Est-ce que ça serait trop de vous demander de venir poser l’après-midi, au lieu du matin ? Vous savez, ça ne sera que pour un ou deux jours. Et je tiens tellement à finir votre portrait.
J’espère que vous ne m’en voulez pas trop.
Amrita
Les Portraits authentifiés Denise
En 1932, Les jeunes Filles, détail sur Denise, et Portrait de Denise Proutaux, exposé par le NGMA de New Dehli et la Tate Gallery de Londres
La jeune fille en noir, tableau disparu qui avait été offert à Denise
« Amrita Sher-Gil painted Denise Proutaux more than once. She was a friend of the artist and has been described as a Parisian art critic by art historian Partha Mitter in his book Triumph of Modernism.
[1] Curieusement, cette institution ne fonctionnait plus en 1933. Sous quelle forme subsistait-elle, lorsqu'Amrita vint y faire un tour? Il y avait un gardien et un modèle sur les lieux. L' Académie Colarossi était une académie d'art privée fondée à Paris au XIXe siècle par le sculpteur italien Filippo Colarossi (1841-1914), au 10 rue de la Grande-Chaumière, dans le 6e arrondissement de Paris. C'était une alternative à l’École des Beaux-Arts, publique, jugée beaucoup trop conservatrice par les jeunes artistes. Comme l’Académie Julian, l'Académie Colarossi a accepté des étudiantes, à qu'elle a permis de peindre des modèles nus masculins . L'académie a également attiré de nombreux étudiants étrangers. L'école a fermé ses portes en 1930. En représailles à l'infidélité conjugale de son mari, Mme Colarossi a brûlé les archives peu de temps avant la fermeture.