Lettre de Denise à Philippe, Paris début juillet 1933 ?
Tu m’obliges encore une fois à t’écrire une lettre difficile. Quand donc comprendras-tu que rien ne peut excuser ton silence à mon égard. Tu me traites exactement comme si j’étais un flirt de huit jours rencontré sur la plage.
Pardonne-moi, je ne voudrais pas t’écrire de choses dures, mais vraiment, tu le mérites. Tu me fais trop de peine à la fin. Ce que je demande n’est pourtant pas grand-chose. Phil, est-ce que tu crois qu’il existe au monde une fille aussi peu exigeante que moi ? Alors, tu pourrais au moins me contenter.
Ecoute, nous serons à Royan, à moins de choses extraordinaires, vers le 10 août –et seule probablement avec Indu[1]. Ça n’a pas été sans mal, mais je crois que mes parents nous laisseront partir. Et je veux te voir, tu entends, je veux te voir ! Après, ça m’est égal, j’en ai fait le sacrifice, mais je veux te voir encore pendant ces vacances !
Nous n’avons jamais pu être ensemble plus de quinze jours, pour une fois, la seule peut-être, où nous pourrions être réunis longtemps, tu n’as pas le droit de refuser. Qu’est-ce que ça fait, le reste ? Après tout, c’est le présent qui compte et je suis tellement lassée de tout, sauf de toi, que si tu pouvais lire dans mon cœur, je suis sûre que tu accepterais. Crois-tu que ça m’amuse, de te supplier ? J’ai peut-être de l’orgueil moi aussi…
Amrita Sher-Gil: le portrait disparu
Les 3 photos qui suivent sont exclusives. Elles sont tirées de l'album de photos de Denise consacré aux soeurs Sher-Gil. C'est la seule trace de toiles d'Amrita qui ont disparu. Il existe une autre photo (la quatrième, ci-dessous), qui m'a été envoyée par Brigitte Humblot
Premiers essais réalisés en juillet 1932, on y voit Denise en noir, Amrita à côté d'elle et Indira agenouillée et lisant.
Toile modifiée en août 1932, disparue sous cette forme. Dans cette composition, Amrita a changé de pose, s'y rajoutent un modèle nu, un tabouret, un chevalet, divers accessoires
L'intérêt de ce 4ème cliché, que m'a envoyé Brigitte Humblot, réside en la présence d'Amrita, debout, avec sa palette et fixant l'objectif. ll provient du catalogue paru en 2001 lors d'une grande exposition des oeuvres d'Amrita organisée à Budapest (voir ci-dessous)
Le seul tableau offert à Denise par Amrita, à son départ de France en 1934. Ce tableau représentant Denise était intitulé "La Jeune Fille en Noir", réalisé en 1933. Il a très certainement été découpé dans la composition précédente et remanié. Après être resté plusieurs années à Clichy dans sa chambre de jeune fille, le tableau prit la route de Toulon, dans le déménagement consécutif au mariage de Denise avec Philippe en 1938. Exposé dans leur appartement du Morillon, il fut mis en garde-meubles à Toulon, lors du départ précipité de Denise par bateau militaire pour le Maroc en janvier 1942. Après la guerre, on déclara à mes parents que le garde-meubles avait brûlé, mais il existe une autre hypothèse: que le garde-meubles ait été pillé par les troupes nazies. J'ai envoyé un dossier auprès des autorités allemandes chargées de restituer les oeuvres d'art volées, mais aucune réponse à ce jour. Cette photo est l'unique souvenir que j'aie.
Catalogue de l'Exposition Amrita Sher-Gil en 2001 au Musée Enst, Budapest
Commentaire accompagnant la composition, figurant dans le catalogue. (documents provenant de Brigitte Humblot que je remercie)
[1] Indira Sher-Gil sœur cadette d’Amrita