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De si longues Fiançailles
8 août 2020

Lettre de Denise à Philippe, Royan, jeudi 27 septembre 1934

Encore presque trois jours avant de te voir ! C’est long et quand nous serons ensemble, ça passera si vite… N’oublie pas de venir m’attendre à 9h10 ; j’espère que la Micheline marche le dimanche comme les autres jours.

Nous partons le 2 (octobre 1934), les billets sont déjà pris. C’est malheureux, il fait beau, si tu savais ! Je me baigne tous les jours, je commence à nager le crawl, pas d’une façon très élégante, je le crains, mais assez vite. Hier, j’ai battu Simone de 3 longueurs sur 50 mètres. Elle était un peu vexée. Je suis sûre que si tu étais resté, je serais allée jusqu’au plongeoir, mais toute seule, je n’ose pas.

Rosé[1] vient d’envoyer une dépêche disant qu’il était souffrant et qu’il fallait que Simone rentre samedi ! Seulement, ça n’a pas pris…

 Je suppose que tu as appris la noyade de Royan. Ça a paru dans tous les journaux de Paris. Est-ce que tu connais la jeune fille ? C’était elle qui tenait la buvette chez Balutaud, je lui avais encore parlé la veille. Klein (celui qui s’en est tiré), c’est le type qui a ramené Indu en canoë quand elle dérivait et je connaissais aussi le 3e de vue. Ce n’était pas très drôle, tu sais. Je suis resté pendant tout le temps qu’on a fait des tractions à la jeune fille. Ça a duré 4 heures ½, et j’ai été chercher des ballons d’oxygène. Elle a été enterrée hier, mais on n’a pas encore retrouvé le corps du 3e.

1934 09 27 minerva           1934 09 27 Royan Conte pour Minerva

Drame de la mer à Royan, un conte écrit par Denise pour le magazine Minerva (Denise à droite sur la photo)

Le soir de cette triste journée, j’ai été au cinéma avec Serge[2] et Indu, pour me changer les idées, et on donnait justement un mélo américain absolument funèbre. Dedans, il y avait la guerre, des morts à n’en plus finir et une césarienne qui finissait mal… Heureusement, la seconde partie comprenait « Ces Messieurs de la Santé », avec Raimu, ça nous a un peu remonté le moral[3].

1934 09 27ces messieurs de la santé sortie 23 mars 1934  "...ça nous a un peu remonté le moral..."

A Paris, on donne en ce moment deux films qui doivent être épatants, dans un genre très différent : « Jeunesse tourmentée[4] », film allemand d’avant Hitler, avec Herta Thiele, l’héroïne de « Mädchen in Uniform », et Viva Villa[5] », un film américain sur la vie d’un général bandit mexicain interprété par un très grand artiste : Wallace Berry. Si ça passe encore en novembre, on ira ensemble. Tu veux bien ?

1934 09 27 Hertha Thiele 1908-84 actrice allemande         1934 09 27 Wallace Beery 1884-1949 américain et non Berry

 Herta Thiele                                                                                              Wallace Berry 

Phil, je vais te quitter. Le soleil est si beau que je m’en vais te faire des infidélités avec lui et m’en aller sur la plage.

Tu n’aurais pas emporté, par hasard, la pellicule de la Coubre où Indu est assise sur un arbre ? La photo est parmi celles que Simone a libéralement distribuées, et Indu –naturellement- ne retrouve plus la pellicule et prétend que c’est toi qui dois l’avoir. Je ne crois pas, mais puisque tu as la photo, ne la donne pas tout de suite à Durand.



[1] Lucien Rosé, l’éternel fiancé de la sœur de Denise, Simone, qui finira par l’épouser.

[2] Serge Moriot, souvent cité

[3] La description de cette séance de cinéma fait penser que la France avait adopté le principe  des « double bills » : programmer deux films de genres différents en fonction des goûts des habitués : un mélodrame était suivi d’une comédie légère, comme le raconte ici Denise.

[4] Denise se trompe : il ne s’agit pas de « Jeunesse tourmentée » mais carrément de « Jeunesse bouleversée », dont elle nous parlera dans une lettre du 25 octobre 1934.

[5] Denise en reparlera quand elle sera de retour à Paris (lettre du 25 octobre 1934)

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