Lettre de Denise à Philippe, Paris, ce jeudi 25 octobre 1934
Si tu savais comme j’ai été contente, Phil, quand j’ai reçu ta lettre ce matin ! Ainsi, tu seras ici dans un peu plus de quinze jours… Vraiment, je ne peux pas le croire. Ces deux semaines finiront-elles jamais ? Je compte déjà les jours.
Reçu...! (Ouest-France du 24 octobre 1934)
Hier soir, je voulais t’écrire, mais j’ai passé toute la soirée à rêver sans en avoir le courage. Je t’assure, je suis un peu tapée depuis ces vacances. Je ne peux pas retrouver mon équilibre habituel. Je me lève à midi, je commence vaguement à écrire à minuit et je me couche à trois heures du matin. Qu’est-ce que tu dis de cela ? Et puis, j’ai le courage de rien du tout. Enfin, tu vas venir ! Mais je prévois déjà ce que ce sera après ton départ.
Est-ce que tu as pu revoir tout ce que tu voulais pour l’oral ? Tu ne me dis pas si Cabanet est reçu. Combien étiez-vous à Bordeaux à passer ?
Rosé s’est fait coller à l’examen qui lui permettait de faire son service comme officier au cas où il ne serait pas reçu au Droit. Il n’a décidément pas de veine en ce moment.
Amri est revenue de Hongrie et repartira aux Indes au moment où tu arriveras. Géraud passe un concours pour entrer dans l’Administration coloniale et doit partir l’année prochaine à Madagascar. Ce qui le séduit surtout, c’est que « c’est stable et qu’on a une retraite ».
Bien que je ne connaisse pas encore l'identité réelle de Géraud "le Baron", que je ne découvrirai que grâce à une lettre de 1936, je donne ici la raison de son engouement pour Madagascar: l'un de ses oncles, Maurice d'Encausse de Ganties, vient de quitter sa charge à Tananarive pour un autre poste important en Indochine... Et c'est finalement pour le Tonkin que Géraud partira. (in Madagascar du 19 décembre 1934)
Phil, je mène une vie effrayante d’austérité depuis mon retour. A part deux ou trois visites chez les Sher Gil, je ne suis pas sortie une seule fois ! Pas même pour aller au cinéma… et pourtant, il y a des tas de films que je voudrais voir. Pour être très franche, je t’avouerai qu’en plus de ma neurasthénie, je suis un peu fauchée… Quant aux films à voir, les voici : Little Women, Viva Villa, L’Orage (film russe), Notre pain quotidien, L’Emprise, Kayak, Jeunesse bouleversée. Va les voir s’ils passent à Bordeaux en version originale.
Ce qui passait dans les cinémas parisiens en octobre 1934 :
Little Women (Les quatre Filles du Dr March) – 1933
Viva Villa – 1934
L’Orage, de Vladimir Perovic (affiche non disponible – 1933
Notre Pain quotidien – 1934
L’Emprise (Of Human bondage) – 1934
Kayak de Knut Rasmussen (Palo’s Brudefaerd) 1933
Jeunesse Bouleversée – 1933
Figure-toi qu’il est une heure du matin, et la moitié de ma famille est encore autour de moi. J’en ai assez, je suis fatiguée et je vais me coucher. Du reste, je suis comme toi, je suis tellement contente que je ne sais rien te dire.