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De si longues Fiançailles
14 octobre 2020

Lettre de Philippe à Denise, Anvers, dimanche 24 novembre 1935

Hier je t’ai écrit et ma lettre est partie vers toi et ce soir, j’ai encore envie de t’écrire –comme bien souvent- mais aujourd’hui je suis plus courageux.

Il est six heures du soir et j’ai passé tout l’après-midi seul à lire et à rêvasser. Tout à l’heure, le soleil s’est couché sur la ville et les bassins et je suis resté longtemps à le contempler en pensant à toi. Il y a longtemps que nous n’avons vu ensemble se coucher le soleil. Nous nous voyons si peu de temps que nous ne faisons que nous regarder pour mieux conserver l’image de l’autre. Il me semble que le dernier coucher de soleil que nous ayons admiré, c’était à Royan, sur la jetée et le ciel était devenu après, rouge et violet très foncé. Te souviens-tu ?

Je rêve des vacances de Pâques et je m’imagine t’attendant à la gare. Ou bien le soir après diner, lorsque nous nous promenons le long de la côte, qu’il fait un peu froid et qu’il n’y a personne.

Dis-moi, est-ce que tu ne pourrais pas partir un peu plus tôt de Paris et passer par Bordeaux, cela nous ferait un jour de plus à être ensemble ?

Je reprends ma lettre vendredi après-midi (29 novembre). J’ai reçu la tienne ce matin ; nous partons ce soir… et je commençais à désespérer d’avoir une lettre de toi avant mon départ. Pourquoi vouloir se venger de ma paresse ? Il ne me viendrait plus à l’idée de ne pas t’écrire pour te punir de quelque chose parce que –presqu’aussi bien que toi- je sais ce que c’est que d’attendre une lettre qui ne vient pas. Ne recommence plus, ce n’est pas gentil et je t’assure que la punition est trop forte. D’ailleurs, si tu m’avais écrit plus tôt, la présente lettre serait sans doute partie il y a 3 ou 4 jours.

J’espère que la photo du Normandie est mieux réussie que la tienne car celle que tu m’as envoyée ne vaut pas cher.

1935 11 24 Le Normandie au Havre (1)  Le Havre, le Normandie à quai, novembre 1935

Je t’en envoie une faite ici chez un photographe d’identité pour des fiches que nous devons fournir au Mexique. Je n’avais pas l’impression d’être aussi dodu de visage. Qu’en penses-tu ?

1935 11 24 Philippe photo d'identité "Je n’avais pas l’impression d’être aussi dodu de visage. Qu’en penses-tu ?" (Philippe, novembre 1935)

Nous n’allons pas à La Havane, mais à deux ports qui en sont assez proches, surtout Regla[1]. C’est pourquoi nous donnons La Havane comme adresse.

1935 11 24 municipalité de Regla au fond dans la baie de La Havane Regla, au fond de la baie de La Havane, qu'on aperçoit.

Evidemment il aurait été préférable que je revienne plus tôt et j’en serai quitte pour travailler un peu à bord et beaucoup à Bordeaux, mais comme j’aurai un but précis, je suis sûr que cela me sera facile. Et puis, tu sais, je pense tellement à l’été prochain et à ce début d’automne que je saurai bien faire ce qu’il faudra.

C’est terrible de ne pas être assez au courant de ta vie à Paris et de ne pouvoir te conseiller pour tes heures d’ennui. Pourtant il me semble qu’il y a des tas de choses à faire là-bas. Enfin, dans deux mois, je te reverrai –peu de temps, il est vrai- mais ensuite, un mois après, nous serons ensemble pour 10 jours au moins, et puis il y aura l’été.

Ecris-moi une longue lettre à La Havane.



[1] Regla est l'une des quinze municipalités de la capitale de Cuba, sur les rives sud et ouest de la baie de La Havane.

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