Lettre de Philippe à Denise, Matanzas, samedi 21 décembre 1935

Je pensais trouver une lettre de toi, ce matin en arrivant mais cet imbécile d’agent les a laissées à La Havane et nous n’y serons que samedi soir. Je suis de quart aujourd’hui et je ne puis sortir voir la ville qui semble assez jolie au fond d’une grande baie mais demain et après-demain, je serai libre et je compte aller prendre des photos à La Havane. Ce soir, quand les dockers seront partis, j’irai me baigner à côté des bateaux. Il paraît qu’il y a beaucoup de requins alors je ne puis le faire le long du bord.

  Matanzas

Une fois de plus, notre voyage est transformé : nous n’allons plus à Tampico car nous devons être à New Orleans pour le 29 et nous ferons ensuite Mobile, puis retour en France mais cela a encore le temps de changer !

Le voyage d’aller s’est effectué assez lentement car nous avons eu du mauvais temps : pendant deux jours, nous sommes restés debout à la lame et au vent parce que lorsque nous faisions route, nous les avions en travers et roulions tellement que tout partait à bord. Je ne fais plus les mêmes quarts, on m’a jugé suffisamment calé et je fais le quart à courir avec les 2 autres lieutenants, de sorte que je suis là-haut aussi bien de nuit que de jour.

Je reprends ma lettre le soir à 11h. Nous venons de faire un bridge avec le Commandant ; maintenant, tous sont couchés et je me trouve seul avec toi, ou les souvenirs que j’ai.

Cet après-midi, comme cela arrangeait un des lieutenants, il a pris le quart à ma place et je suis parti aussitôt déjeuner dans les rochers. J’ai ramassé du corail et des oursins et je me suis baigné sans costume de bain –il n’y avait évidemment pas grand monde !- Je n’ai pas été mangé par un requin mais je me suis flanqué contre un rocher et ce soir, j’ai toute la hanche droite écorchée qui me cuit un peu. J’ai trouvé un coin où je me serai cru à Vallières et j’avais envie de me retourner pour voir si tu n’étais pas là, assise dans un coin de rocher.

Je reprends ma lettre le 22. J’aurais du me trouver ce soir à La Havane et avoir enfin ta lettre mais nous n’avons pas pu partir, le vent nous drossant contre le quai, nous risquions en appareillant de démolir pas mal de choses, alors nous attendons que le vent tourne ! Je suis retourné me baigner cet après-midi à une petite plage.

                                                                                                                             Regla[1], lundi 24 décembre 1935

Nous sommes arrivés à La Havane et je viens juste d’avoir ta lettre ; comme je suis pris en ce moment, il faut que je termine la mienne pour que celui qui va « aux papiers » à l’agence l’emporte. Nous repartons cet après-midi –il y a encore eu un autre contrordre- pour New Orleans et là-bas, je t’écrirai une autre lettre. Ensuite, je rentrerai en France.

 Regla - La Habana

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[1] Regla se situe dans l’arrondissement de La Havane