Lettre de Philippe à Denise, New Orleans, mardi 31 décembre 1935
J’entends de ma cabine les détonations continuelles des pétards que font partir à terre les Américains : 31 décembre au soir, ils fêtent le nouvel an ! Il est 11h et depuis 5h, en France, vous êtes en 1936, probablement tu dors en ce moment-ci et je vais attendre minuit en rêvant de toi, je voudrais que ma pensée parvienne jusqu’à toi et que tu rêves de moi.
New Orleans, Downtown St, december 1935, Photo Walker Evans
Je suis triste, comme toi, lorsque viennent ces fêtes où tout le monde oublie ses soucis et s’amuse pendant que loin l’un de l’autre –le quart de la terre seulement- nous ne tenons guère à faire comme eux.
Noël pour moi s’est passé à la mer : à 1h du matin, je suis monté prendre le quart et tout en veillant, j’ai rêvé de toi et ce soir, au port, je suis tranquille pour toute la nuit et je crois que j’en passerai une bonne partie sans dormir.
Les sirènes de tous les bateaux du port ont interrompu ma rêverie et la nouvelle année commence.
Maintenant je vais dormir et peut-être te verrai-je en songe.
décembre 1935, sortie de Zig & Puce au XXIème siècle
Mobile, jeudi 9 janvier 1936
Je reprends cette lettre à Mobile où nous sommes depuis ce matin après une navigation assez pénible –brume toute la nuit pour remonter les passes de Mobile et j’étais de quart ce matin de 1h à 5h, qu’est-ce que j’ai pris !
A midi, j’ai eu ta lettre écrite le soir de Noël, dans la mienne, tu sais ce que je faisais à ce moment.
Je t’ai acheté des revues de cinéma et tout à l’heure, j’irai chercher le livre de Anne Lindbergh[1] Je n’ai d’ailleurs ton mandat que depuis une heure et je pense pouvoir le toucher ici. Mais tu sais, ce n’était quand même pas la peine de l’envoyer.
Nous partirons ce soir si nous le pouvons, et nous serons au Havre le 30 ou 31 janvier. Je pense pouvoir débarquer aussitôt arrivé. Je ferai ma malle avant d’atteindre Le Havre, et je filerai aussitôt à Paris.