Lettre de Denise à Philippe, Paris, ce 25 février 1936

J’espérais avoir une lettre de toi ce matin, Phil –parce que toi, tu as sûrement la mienne depuis longtemps. Je ne comprends même pas comment tu ne l’avais pas reçue quand tu m’as écrit cette lettre si méchante : « Au cas où tu m’écrives avant la fin du mois[1]... » Méchant garçon ! mais je te pardonne tout de même parce que je pense que tu avais le cafard. Il ne faut pas, tu sais, ça suffit de moi.

Je commence à reprendre un peu d’espoir parce que, dans un mois et quelques jours, nous serons ensemble. Mais c’est long quand même, tu ne trouves pas ? Qu’est-ce que tu fais ? Est-ce que tu travailles toute la journée ? Il faut absolument que tu sois reçu, tu sais, pour que nous puissions rester très longtemps ensemble pendant les vacances. Au mois d’août, je serai sûrement toute seules, Simone sera en Bretagne.

Il y a encore eu un raz-de-marée à Royan, il y avait deux photos ce soir dans le journal.

  Tempête et dégâts à Royan 

Simone est revenue –mais j’ai dû te le dire dans ma dernière lettre- et Rosé rentre demain naturellement. Il n’ira pas en Allemagne, ni dans le Tyrol, parce qu’il n’aurait plus du tout le temps de travailler avant son examen. Depuis qu’il est parti en Espagne, il se fait appeler don Luciano José[2] ! Tu ne trouves pas que ça fait mieux ?

J’ai été cet après-midi dans un cinéma d’actualités voir les Jeux Olympiques à Garmish. Tu sais, le ski, c’est vraiment merveilleux. Quand les skieurs sautaient du grand tremplin, on aurait dit des oiseaux.

            

L'épreuve de saut à ski aux Jeux olympiques d'hiver de 1936 a lieu le 16 février 1936 au Große Olympiaschanze, à Garmisch-Partenkirchen en Allemagne.

Si tu es l’an prochain à Toulon, il faudra absolument qu’on en fasse[3] (parce que j’irai te voir !)

Ecris-moi très souvent, Phil, j’ai moins le cafard quand je reçois des lettres de toi. Et dis-moi exactement quand tu seras en vacances pour Pâques.

J’ai l’intention de faire de l’aviron avec Académia[4]. Je commencerai probablement dans quelques jours. Ça me fera sûrement du bien de rester en plein air et de faire du sport. Qu’est-ce que tu en penses ?

      

 Une rameuse dans les nnées 30                                                                              Académia, section aviron en 1935

J’ai très envie de te voir, j’ai des foules de choses à te raconter.

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[1] Lettre de Philippe du 20 février

[2] Tous ces détails sur Lucien Rosé figurent déjà, à quelques nuances près, dans la lettre de Denise du 20 février.

[3] Pour une fois, Denise ne se trompe pas, et Philippe sera bien à Toulon en 1937… !

[4] Académia, club sportif féminin et parisien,  ouvre sa section aviron  en 1915 et compte 40 rameuses en 1936.