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De si longues Fiançailles
5 novembre 2020

Lettre de Philippe à Denise, Bordeaux, mercredi 4 mars 1936

J’ai eu ce matin une lettre de toi et comme je ne m’y attendais pas, je n’en ai eu que plus de plaisir. Je t’envoie les photos prises à la Havane –la pellicule s’est abimée et cela ne donne pas grand-chose de bon- et aussi une photo prise il y a 10 jours à Royan pour finir la pellicule.

Cet après-midi, je suis allé voir les Bonnot[1] et Roger a estimé que j’avais raison de tenter ce que je veux faire : demander l’aviation pendant mon service et rester dans l’armée une dizaine d’années –de plus, je crois que si j’en vaux la peine, il m’aidera et j’espère bien lui donner lieu de le faire.

Faire du sport, c’est très bien mais il paraît que je m’y suis remis trop brutalement –vendredi dernier, j’ai commencé dans la salle où je vais régulièrement- et le résultat, c’est que je me suis quelque peu abimé les muscles des épaules et dimanche, il a fallu que ce soit mon voisin qui m’habille le matin et me déshabille le soir !

Aujourd’hui, cela va bien et il n’y a que quelques gestes qui me soient encore interdits –me tenir les mains derrière le dos, par exemple.

J’ai racheté « Les Amours jaunes[2] », est-ce que tu les as lues ?

Je ne sais pas encore quand seront les vacances de Pâques mais dès que je le saurai, je te préviendrai –d’ici la fin du mois.

Je crois que Freud a tort lorsqu’il dit que les rêves ne sont que les petites pensées de la journée que l’on a dédaignées, ou alors, si ce ne sont que des petites pensées, celles que j’ai en pensant à toi, je ne pense pas beaucoup –et je ne suis pas loin de l’abrutissement intégral.

Je crois que tu vas encore me vouer aux enfers –mais voilà, jeudi soir, et depuis deux jours, je n’ai pas pu terminer ma lettre. Avant-hier, je l’avais arrêtée pour rêver de toi en m’endormant et je me promettais de la terminer le lendemain –c’était hier.

Apporte un costume de bain quand tu viendras, nous irons ensemble à la piscine où j’étais hier, qui n’est pas mal. Dommage que celle d’été ne fonctionne pas encore, car elle est réellement bien et il y a 5m de fond à une extrémité. L’ennui, c’est que cela m’abime les yeux –et je vais être obligé de me les laver chaque fois avec de l’Optrex.

Pub Optrex  publicité ancienne

Aujourd’hui je ne suis sorti que ce matin pour aller au cours et puis pour aller manger et toute la journée et la soirée, j’ai fait du droit pour rattraper ce que j’avais en retard.

Dans une carte incisive que j’ai reçue il y a huit jours, tu me déclares ne plus rien croire de ce que je te dis. Je voudrais bien que tu sois ici pour t’entendre le répéter –et je pense que si je t’avais près de moi, je te dirais tant de fois que je t’aime qu’à la fin tu me croirais.

1930' Paris (4) le profil de Denise



[1] Le commandant Bonnot et Yvonne, son épouse

[2] Cf lettre du 13 septembre 1933

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