Lettre de Philippe à Denise Bordeaux, 11 juin 1936
Tu dois être furieuse contre moi et pourtant je n’ai pas de remords de ne t’avoir pas écrit depuis si longtemps. Il me semble que depuis 20 jours, je n’ai pas vécu et quand j’ai reçu ta lettre, j’ai appris qu’il y avait des grèves. A l’Ecurie, tous mes camarades sont en train de potasser les examens alors, on ne s’occupe plus de ce qui se passe en dehors de nous –et les événements, à Paris ou à Bordeaux, sont aussi lointains que s’ils de passaient dans le détroit de Baffin[1]. J’ai vécu comme si j’étais de nouveau embarqué, j’ai pensé à toi comme si tu étais très lointaine et inaccessible, et pourtant, il me semble que je sentais mieux ta présence.
Denise lointaine.... (photos prises à Royan en avril 1936)
Il ne faut pas m’en vouloir, parce que, si je ne t’écrivais pas, ce n’était pas par paresse, et même cette lettre, en ce moment, je me demande si je te l’enverrai. Je passe l’écrit mardi, mercredi, jeudi et vendredi prochains. J’irai passer les deux derniers jours de la semaine à Royan, puis je rentrerai à Bordeaux attendre les résultats. Simone et Rosé ont-ils passé leurs examens ?
Je ne fais évidemment absolument rien –un peu de culture physique le matin- et une fois par semaine à la piscine, et encore… J’ai cessé d’aller à la salle de culture physique, mais je reprendrai après l’écrit.
On passe Le Songe d’une Nuit d’Eté[2] au cinéma. J’en ai entendu parler à midi –est-ce que c’est bien ? J’irai peut-être la semaine prochaine
Le Songe d'une Nuit d'Eté, 1935, avec, de gauche à droite, Ross Alexander, Dick Powell, Jean Muir et Olivia de Haviland qui vient de mourir à 104 ans.
PS : ma mère m’a écrit qu’elle avait trouvé des tas de maisons dans l’île d’Oléron et qu’elle compte y aller en juillet pour les voir ; si je peux, j’irai avec elle.
[1] Détroit de Baffin, appelé encore détroit de Davis, séparant l’île de Baffin (qui appartient au canada) du Groenland.
[2] Le Songe d'une nuit d'été (titre original : A Midsummer night's dream) est un film américain réalisé par William Dieterle et Max Reinhardt, sorti en 1935. Il est basé sur la pièce de théâtre éponyme de William Shakespeare.