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De si longues Fiançailles
19 décembre 2020

Lettre de Denise à Philippe, Royan, vendredi 11 septembre 1936

Phil,

Je suis étonnée que tu n’aies pas reçu ma lettre, je l’ai mise mercredi matin au train de 9h39 pour Bordeaux, quand j’accompagnais ma tante. Enfin, tu dois l’avoir sûrement maintenant et tu sais ce que j’ai fait depuis ton départ. (je viens de réfléchir que c’est seulement jeudi matin que j’ai fait partir ma lettre ; mais je t’écris sur la plage et je n’ai pas d’autre papier sous la main)

Hier, il a fait très beau temps. Le matin, je suis allée prendre un bain de soleil et l’après-midi, je me suis baignée en même temps que Linette Mignot[1]. J’avais envie d’aller jusqu’au plongeoir mais je n’ai pas osé toute seule, parce qu’il était bien à 50 mètres et elle était allée au plongeoir flottant. Le soir, nos parents nous ont donné de l’argent, pour aller au cinéma, pour voir « L’Appel du Silence[2] ». Un film édifiant, tu comprends… Je doute que le Père de Foucauld[3], qui était un type intéressant et pittoresque durant sa vie, soit très satisfait s’il voit ce qu’on a fait de lui au cinéma. A part tout ce qui se passe au Sahara, qui est intéressant au point de vue documentaire, c’est lamentable, surtout l’interprétation européenne. Les indigènes jouent très bien, par exemple.

L'Appel du Silence, sorti en 1936     Charles de Foucauld 1858-1916

 L'Appel du Silence, ou une histoire très édfiante du Père de Foucauld

Il y avait un dessin animé en couleurs très gentil et deux documentaires sur la marine anglaise que j’avais déjà vus je ne sais combien de fois.

Je ne comptais pas trop te voir dimanche mais je voudrais bien moi aussi être déjà à Bordeaux près de toi ! Tu sais, j’aurai à peu près 125 francs d’économie à ce moment, et puis à Minerva[4], j’ai plus de 200 francs à toucher, alors je pourrai rembourser Rosenberg[5].

1936 09 17 Minerva pub dans Le Matin  Les sous rentrent, pour Denise

Le bel Hospitel[6] est venu nous faire le récit de ses conquêtes et m’a forcé à interrompre ma lettre (parce que je t’écris étendue sur la plage). Il fait très beau et je vais me baigner tout à l’heure. J’ai un peu mal à la tête.

J’ai emporté ton Kodak pour finir le rouleau, parce que j’ai pensé que ta mère en aurait peut-être besoin. Je vais sans doute photographier Nane[7]

Je pense beaucoup à toi, Phil. Il ne faut pas que tu aies trop le cafard, Phil, puisque nous allons nous revoir encore plusieurs fois. Dan une semaine, nous serons ensemble. Ça serait si bon de pouvoir ne jamais se séparer !

Figure-toi que Rosé a découvert qu’il y avait un uniforme pour sa fonction. Tu n’imagines pas sa joie ! Il a écrit immédiatement à Simone pour dire qu’il allait se marier en uniforme. Malheureusement, je crois qu’elle lui a répondu que c’était inutile. Dommage, cet uniforme comporte une veste brodée et une casquette d’officier de marine ( ?)

uniforme d'administrateur colonial  un uniforme d'administrateur colonial tel que rêve Rosé d'en porter à son mariage



[1] Je pense avoir trouver quelques renseignements sur la famille de Linette : Son prénom est en réalité Line, son frère se prénomme André. Ses parents sont :

-           Alphonse Auguste Victor Mignot 1877-1958

-           Alice Louise Marie Leger 1883-1947

[2] L'Appel du silence est un film français de Léon Poirier sorti en 1936, sur la vie de Charles de Foucauld (1858-1916) missionnaire au Sahara. Le film raconte l'avant et l'après de sa conversion. Sa vie d'ermite se termine par son assassinat à Tamanrasset par des rebelles.

[3] Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand, vicomte de Foucauld, moine trappiste, né en 1858 à Strasbourg  et mort  assassiné en 1916 à Tamanrasset , est un officier de cavalerie de l'armée française devenu explorateur et géographe, puis religieux catholique, prêtre, ermite et linguiste. Il a été béatifié le 13 novembre 2005 par le pape Benoît XVI. Il est commémoré le 1er décembre.

[4] Minerva : magazine féminin auquel collabore Denise qui est payée « à la pige »

[5] Werner Rosenberg, photographe parisien signant sous le pseudonyme « Vero », ami de Denise et qui lui a vraisemblablement  prêté de l’argent.

[6] Jean Hospitel, copain de Philippe de longue date, il est cité dans leurs lettres depuis 1930. Je n’ai malheureusement pas pu retrouver de photo de lui.

[7] Diminutif, mais je n'ai pas déterminé l'identité de cette mystérieuse Nane qui apparîtra de nouveau le 21 septembre et puis beaucoup plus tard, le 31 mai 1938

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