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De si longues Fiançailles
22 décembre 2020

Lettre de Philippe à Denise, Bordeaux jeudi soir 17 septembre 1936

J’ai eu ta lettre ce soir, heureusement, car je commençais à penser des choses absurdes. Est-ce que c’est ce matin seulement que tu l’as mise à la gare ?

J’ai eu ta lettre à 7 heures en allant à l’écurie[1]. Ma propriétaire[2] ne me l’avait pas montée. En descendant l’escalier, j’étais un peu ennuyé parce que je n’avais rien de toi mais sitôt que je l’ai eue, je suis remonté dans ma chambre pour la lire et avant de l’avoir ouverte, rien que de la tenir et d’avoir vu ton écriture, j’étais heureux.

Presque tout le monde est rentré : Brachet jeune[3], Duval, Lami, Lafon et autres. La petite pharmacienne aussi que j’ai vue encore à 1h au Colbert[4].

Café-brasserie Le Colbert à Bordeaux de nos jours Café-brasserie Le Colbert à Bordeaux

Avant-hier, elle m’a raconté ses espoirs et ses déceptions depuis deux mois et je lui ai conseillé de travailler ! Elle y arrivera parce qu’il me semble qu’elle doit aimer « moyennement » son Charles –comme tout ce qu’elle doit faire. Sauf que dans le fait que la méthode d’éducation qu’elle a eue a fait faillite d’une façon assez drôle, elle n’est guère différente de toutes les jeunes filles que l’on doit rencontrer un peu partout en France. J’ai eu aussi les confidences de Lafon –une femme mariée à son tableau cet été, ma chère !- Je lui conseille fortement de se marier, il n’a pas le tempérament d’un don Juan.  Les autres camarades mangent et boivent bien et ne cherchent pas plus loin.

J’ai lu ce soir le Daily Mail –je suppose que c’est aussi dans les autres journaux- que le « Pourquoi –Pas » avait fait naufrage sur les côtes d’Islande[5]. Est-ce que Victor était à bord[6] ?

1936 09 17 Paul-Emile Victor en juillet 36       Cdt Charcot

 

Paul-Emile Victor et le commandant Charcot

Paul Armand de Grimont chroniqueur judiciaire autographe de Charcot au dos   lettre signée du Cdt Charcot

 

Au dos de cette carte de visite trouvée dans mes archives (de Grimont, auteur de "Peau d'hermine...et peau de lapin", Caricatures de Zigh., Paris, Quotidien juridique, 1936), j'ai découvert la signature de Charcot. Pour l'authentifier, je l'ai rapprochée d'une lettre de Charcot et le doute n'était plus possible, voir ci-dessous:

comparaison d'autographes Cdt Charcot -  en haut autographe de Charcot, en bas, signature de la lettre

Je ne sais pas encore la date exacte de mon oral si ce n’est que ce sera après le 26 octobre. L’année dernière, j’ai eu un camarade qui se trouvait dans la même situation que moi qui est passé les 8,9 et 10 novembre ! et je ne saurai quelque chose que vers le 5 ou le 6 octobre –quelques jours avant l’examen écrit. Alors, réellement, je ne peux rien dire à Simone à ce sujet. Dis-lui que je regrette beaucoup, cela tu le sais bien, mais que, ne sachant rien, je ne peux lui fixer une date qui se trouvera peut-être fausse.  (Mariage de Simone avec Lucien Rosé fixé au 29 octobre)

C’est parce que Phérivong[7] m’a donné ce livre que son nom est dedans.



[1] « Ecurie-Palace », 19 rue Sauteyron à Bordeaux : le lieu où Philippe prend ses repas et loue parfois une chambre.

[2] La propriétaire de l’Ecurie-Palace, foyer-restaurant pour étudiants à Bordeaux, devait s’appeler Melle Vardon.

[3] Les deux frères Brachet : Jean, l’aîné et Maurice, le cadet.

[4] Le Café Colbert est situé au 21 cours Aristide Briand à Bordeaux.

[5] Le 16 septembre 1936, le Commandant Jean-Baptiste Charcot, né en 1867, disparaît lors d’un naufrage de son bateau, le Pourquoi-Pas ? au large de l’Islande. Des funérailles nationales sont organisées : l’homme est un explorateur célèbre, qui a su s’entourer de scientifiques de haut niveau pour faire rayonner la science française.

[6] Non Paul-Emile Victor ne se trouvait pas à bord du Pourquoi pas ? puisque Charcot venait de lui livrer du matériel scientifique : en septembre 1936, de retour de mission au Groenland, où il est allé livrer du matériel scientifique à la mission de Paul-Émile Victor qui vient de traverser l'inlandsis en 50 jours, après avoir rempli une mission de sondage, le Pourquoi Pas ? IV fait une escale à Reykjavik le 3 septembre pour réparer la chaudière du bateau. Ils repartent le 15 septembre pour Saint-Malo, mais le bateau est pris le 16 septembre dans une violente tempête cyclonique et se perd corps et biens sur les récifs d'Álftanes à Mýrar. Le naufrage fait 23 morts, 17 disparus et un seul survivant (Eugène Gonidec, le maître timonier, secouru par l'Islandais Kristjan Porolfsson, âgé de 19 ans) qui rédige le dernier rapport sur le naufrage4. Jean-Baptiste Charcot y périt à l'âge de 69 ans.

[7] Phérivong est cité dans la lettre de Denise du 10 septembre. L’enquête que j’ai menée pour déterminer l’identité de ce Phérivong me conduit à conclure qu’il peut s’agir du Capitaine Marcel-Clair Phérivong (1891-1950)

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