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De si longues Fiançailles
18 janvier 2021

Lettre de Denise à Philippe, Paris, ce mercredi 11 novembre 1936

Phil, depuis que je sais que Bonnot doit t’écrire[1], j’ai recommencé à espérer que tu pourrais partir. Alors, si ce n’est pas ça, je vais être déçue. Dis-moi vite de quoi il s’agit !

Hier, je suis allée prendre des informations sur les heures de cours d’anglais et d’espagnol. J’en suivrai probablement deux de chaque langue par semaine. Je commence l’espagnol demain parce que je n’ai pas de temps à perdre pour rattraper les autres qui ont déjà commencé depuis un mois. Pour l’anglais, n’étant pas très en fonds, j’attendrai encore quelques semaines. Comme je me ferai inscrire pour la 3ème année, ça n’a pas d’importance.

Je vais recommencer la culture physique demain également. Mon cours d’anglais a lieu de 4h½ à5h ½ à côté de l’Odéon, et mon cours de gymnastique de 7 à 8 heures, rue de l’Université (près des Invalides). Tu sais ce que je fais, maintenant, le jeudi après-midi.

Cet après-midi, j’ai eu le courage de faire toute seule des mouvements de culture physique (rien que pour la poitrine) pendant un quart d’heure ! J’ai aussi fini de broder la 2ème manche de ma robe, mais mon courage s’est arrêté là, car je m’étais levée à midi et n’ai rien fait d’autre.

Demain, je vais porter les photos du mariage de Simone à tirer chez Rosenberg, je verrai peut-être celles qu’il a prises de nous deux et de toi.

Rochette- Rosenberg -Rosé-Rat      Carte de visite Rosenberg

 A quelle adresse Denise se rend-elle pour ses photos?

Est-ce que ça t’amuse, que je te raconte toutes ces petites choses –là ?

Depuis deux ou trois jours, il fait un temps épouvantable et une violente tempête. Mon père est resté couché presque toute la journée. Je ne sais pas s’l est plus malade ou si c’est le départ de Simone et d’être sans nouvelles d’elle qui le rendent comme cela[2].

Ecris-moi très souvent, Phil. Si tu savais comme je suis contente quand je reçois tes lettres. C’est ma seule distraction et mon seul plaisir.

Il va y avoir bientôt une exposition « Rubens[3] » qui sera épatante. Je voudrais bien la voir avec toi, et aussi une pièce dans laquelle jouent les Pitoëff[4], qui s’appelle «Angélica[5]».

Angelica aux Mathurins 1936       Georges & Ludmilla Pitoëff

Je voudrais tellement que tu puisses partir tout de suite. Il me semble que six mois supplémentaires seront longs comme des années… Je n’ai plus de courage pour attendre, tu sais.

Et puis, de Toulon, tu pourrais peut-être venir passer un ou deux jours à Paris au moment de Noël. J’ai une hâte folle de devenir ta femme. Je voudrais n’avoir que des jours à compter, hélas, ce sont des mois !

Je te quitte, il est minuit ½, et je viens de penser que tu m’as recommandé de me coucher tôt…

P.S. : j’ai lu «La Princesse de Babylone[6]», ça m’a amusée.

La Princesse de Babylone Voltaire



[1] Voir la lettre de Philippe du 9 novembre.

[2] Le capitaine Proutaux, qui est dans sa 55ème année s’affaiblit. Sa blessure de guerre se réveille mais  il n’en parle pas encore à Denise.

[3] Cette exposition aura lieu au musée de l’Orangerie et sera présentée dans la lettre du 25 novembre 1936.

[4] Georges Pitoëff (1884- 1939) est un acteur et metteur en scène de théâtre français d'origine arménienne, également traducteur et décorateur. Son épouse est Ludmilla Pitoëff, née Smanov (1895- 1951), comédienne française d'origine russe.

[5] A partir du 23 octobre, est jouée la pièce « Angelica » au théâtre des Mathurins : mise en scène de Georges Pitoëff ; texte de Léo Ferrero ; décors et costumes de Georges Pitoëff ; musique de Marius Casadesus ; décors exécutés par Léon Gaudeaux ; costumes exécutés par Yvonne Gaudeaux ; avec Ludmilla Pitoëff dans le rôle titre, Georges Pitoëff dans le rôle d'Orlando, Mady Berry dans le rôle de la patronne du café.

[6] La Princesse de Babylone est un conte philosophique, écrit par Voltaire en 1768. Ce conte met en scène deux amants : Amazan le berger et Formosante, princesse de Babylone. Comme dans Candide, les amants séparés se recherchent dans l'Asie et l'Europe. À travers leurs mésaventures, et grâce à l'humour, Voltaire fait passer ses idées et critiques sur la religion, la condition humaine et les différentes sociétés de son temps. De ce point de vue, ce conte s'inscrit pleinement dans la philosophie des Lumières.

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