Lettre de Philippe à Denise, Royan mercredi soir 11 novembre

Je suis seul encore dans la salle à manger, il est 10h^1/2 et je viens de relire ta lettre. Elle n’est pas très gaie et je voudrais bien te donner un peu de courage.

Hier je ne suis sorti que pendant une heure –sous la pluie- et aujourd’hui aussi –il fait un sale temps, heureusement pour Simone et Lucien, ils en sont loin –ils ont été signalés –leur bateau évidemment- hier à Ténériffe. Tu pourras le dire à ta mère qui sans doute n’en sait rien.

J’ai eu hier un mot très chic de Bonnot[1] qui me disait que, en continuant dans la voie que je me suis tracée, je pourrai toujours compter sur lui… mais malheureusement, il n’y a pas été question de partir au service et je crois bien que je vais repartir au long-cours. Ne pensons qu’à nous revoir dans quelques jours et je te promets de rester à Paris au moins deux jours.

J’ai lu hier « Le Rêve » de Zola que je ne connaissais pas encore, ça m’a plu.

  

Je suis assez ennuyé par le mauvais temps parce que je voudrais aller à Chéray et quand bien même j’irais jusqu’au Chapus[2], je ne pense pas que l’on traverse avec ce temps. Enfin, si demain cela se calme, je foncerai là-bas.

 Le Chapus, on s'y embarquait pour Oléron jusqu'en 1966

Aujourd’hui, j’ai rangé moi aussi mes affaires et puis j’ai choisi les photos de toi qui me plaisent le plus et je les ai mises dans un bouquin –le Jardin d’Epicure- comme cela, elles ne s’abimeront pas. Ensuite, en fouillant dans les tiroirs, j’ai trouvé une préparation qui, en séchant, fait comme une application de feuille d’or, alors j’ai fait une couverture pour le jardin d’Epicure et je l’ai enluminée –je suis très fier des mon ouvrage !

 Anatole France, Le Jardin d'Epicure

          

 Les essais de reliure sur feuille d'or de Philippe (1936)

Hier, j’ai vu Mignot revenu passer sa thèse. Je lui avais dit que je partais aujourd’hui dans l’île (d’Oléron), alors je ne l’ai pas revu. Demain matin, j’irai porter ta photo pour la faire encadrer et si je ne pars pas, j’irai le voir.

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[1] Le commandant Roger Bonnot

[2]Le Chapus-Bourcefranc est une commune de Charente Maritime de création récente — née en 1908 de la fusion de plusieurs hameaux dont les deux principaux sont Bourcefranc et Le Chapus —, elle n'en possède pas moins une riche histoire et un patrimoine urbain et maritime diversifié. C'est la dernière commune du continent à être traversée avant d'aller sur l'île d'Oléron, accessible depuis 1966 par le viaduc d'Oléron.