Lettre de Philippe à Denise, Chéray samedi soir 14 novembre 1936

Mon diner cuit doucement sur un feu de charbon de bois, dans la cheminée il y a un feu splendide et sur la chaise, le plus près possible, une chatte borgne, maigre et qui m’a adopté depuis mon arrivée. Je suis là depuis jeudi soir.

Mes journées, celle d’hier et d’aujourd’hui, se sont écoulées doucement en rêvant ; j’ai lu un peu : hier, les Demi-vierges ! et aujourd’hui le Marquis de Villemer (George Sand) –livres apportés par mon grand-père pour débarrasser un peu la maison de Royan.

        

 Les Demi-vierges et Le marquis de Villemer

Mais surtout, je pense à toi et je t’imagine ici, où tu es venue si peu.

Hier, je suis allé au Douhet –tu sais, les quelques masures au bout des salines[1] où nous sommes passés en revenant de St Denis ; j’ai fait la connaissance du type auquel j’avais demandé si l’on pouvait continuer notre route et j’ai même apprivoisé un de ses enfants.

        

 Port et chenal du Douhet en 1960                                                                                  marais d'Oléron

Mais chose beaucoup plus importante, j’ai cueilli les trois œillets que je t’envoie avec une violette du jardin.

 les fleurs ont séché

Aujourd’hui, je suis allé à Domino m’étendre sur la dune et fumer des cigarettes, puis la pluie est arrivée et je suis rentré.

   Domino à Oléron

–je viens de m’interrompre : j’avais oublié d’acheter du pain et je me suis précipité avant que tout soit fermé.

Je vais rentrer demain à Royan, j’aurais du le faire aujourd’hui, mais je me trouve tellement bien ici et absolument seul.

Auras-tu trouvé dans ma dernière lettre un peu de courage ? Je le voudrais tant. Je vais laisser ici une de tes photos, je ne sais pas encore laquelle –car j’ai amené le Jardin d’Epicure. Je la laisserai dans les Amours Jaunes, à une page que j’aime beaucoup, et pour que tu sois un peu ici, dans cette maison que j’aime, parce que j’y rêve de toi et parce que je veux y revenir quelques fois avec toi.

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[1] Situé à l’Est de l’île d’Oléron, le site des anciennes salines d’Oléron constitue un vaste espace rétro littoral de plus de 1 500 hectares. Il est protégé par un cordon dunaire boisé, la forêt des Saumonards. Cet ensemble marécageux est également limitrophe de la forêt Briquet et du marais du Douhet. Cette situation permet au Conservatoire du littoral d’envisager de créer une continuité avec les parcelles précédemment acquises au marais du Douhet et en forêt Briquet.