Lettre de Philippe à Denise, Royan, Mercredi midi 17 mars 1937
Je suis arrivé hier à Royan et je n’ai eu ta lettre envoyée à Swansea qu’à mon départ de Nantes. Je ne savais plus rien et n’osais pas t’écrire. Je comprends combien ces journées étaient pénibles et surtout, maintenant où il semble que ton père soit sauvé mais où il faut envisager encore une opération.
Je viens d’apprendre l’émeute de hier soir à Clichy[1]. Où étais-tu ? Je suis inquiet pour toi maintenant. Si tu savais combien il me tarde de t’emporter. Heureusement, maintenant, le plus dur est fait et ce sera dans une année.
Affiche du Front Populaire appelant à contre-manifester La fusillade à Clichy
Les obsèques des victimes de la fusillade Portrait de Solange Demangel au PSOP
Je compte partir d’ici dimanche soir ou lundi. Je suis en train de faire remettre mes vêtements en état. Mais si tu veux absolument que je vienne plus tôt, dis-le-moi.
Je vais porter cette lettre tout de suite pour que tu la reçoives demain maintenant, mais à présent, tu en recevras plus souvent.
[1] Le 16 mars 1937, 10 000 militants de gauche ayant voulu empêcher, à Clichy, un rassemblement de Croix-de-Feu, furent chargés par la police, qui tira. Il y eut cinq morts et une centaine de blessés, dont une militante de la Gauche révolutionnaire, Solange Demangel, atteinte d’une balle dans la tête et qui mourut quelques jours plus tard. La Jeune Garde, organe des jeunesses socialistes, publia un numéro spécial qui titrait en caractères d’affiche : 8 milliards pour l’emprunt, 5 morts à Clichy, l’argent de la bourgeoisie se paie avec le sang des ouvriers.