Lettre de Philippe à Denise, Toulon, Grand Café de la Rade, 18 avril 1937
Je suis maintenant « militaire », ou bien près de l’être. Les deux journées précédentes –les premières de ma nouvelle vie- se sont passées en visites médicales, de toute sorte et au sujet de ma poitrine qui fait du bruit –qui n’en fait plus maintenant- tu peux être parfaitement tranquille. Nous sommes tous passés à la radio hier matin et je n’ai absolument rien –d’ailleurs, d’une façon générale, j’ai été trouvé en parfaite condition physique.
Nous avons été habillés avant-hier mais seulement en partie (nous n’avons pas encore le col ni le ruban sur le bonnet) et aujourd’hui nous avons eu l’autorisation de sortir, mais en civil. J’ai retrouvé quelques amis –Carus[1]- et j’ai commencé le choix de ceux que je verrai plus particulièrement.
Nous ne sommes pas encore sur le Condorcet, et tu peux m’écrire jusqu’au 26 avril :
Philippe Dyvorne, E.O.R.
Ve Dépôt, Toulon
Il me tarde maintenant de recevoir une lettre de toi et je vais compter les jours en l’attendant ; elle arrivera mardi ou mercredi.
J’espère que Tante Jeanne[2] a quitté la clinique et est en bonne voie de guérison. Ton père, sans doute, continue sa lente convalescence.
"Je suis dans un café du quai Cronstadt..."
Je suis dans un café du quai Cronstadt, le port s’étend devant moi, il fait soleil, les gens sont agités et enlèvent au paysage ce qu’il a de bien, ou tout au moins, empêchent de l’apprécier. Ce pays devrait être peuplé avec des gens comme les Zinglé[3].