Cartes de Denise à Philippe, Tours, mercredi 30 juin 1937

 L'hôtel de la Crouzille à Tours

J’ai eu ce matin ta lettre avec les photos. Merci beaucoup, j’étais très contente d’avoir les photos, surtout les deux où tu es tout seul. Tu sais sûrement que je suis à Tours, puisque je t’ai envoyé un mot avant mon départ (j’étais très fâchée parce que tu n’écrivais pas).

C’est mon oncle[1] qui m’a invitée. Je ne pouvais pas refuser pour ne pas les froisser, et en plus de cela, ça me faisait du bien de quitter un peu Paris. Tours est une assez jolie ville de province, avec beaucoup de vieilles maisons pittoresques, malheureusement plutôt mal conservées. Le paysage est quelconque : assez doux, mais sans originalité. Il a dû influer sur le caractère des gens, qui sont gentils, très polis et complaisants.

 Vieilles maisons de la place Plumereau à Tours

Mais tu sais, ce n’est pas ce pays qui me fera oublier notre chère Alsace, et à chaque nouvelle ville que je vois, j’ai envie de retourner à Strasbourg ! Demain nous visitons quatre châteaux des bords de la Loire : Blois, Chambord, Cheverny et Chenonceau, je crois.

Je n’irai pas à Royan en septembre, je croyais te l’avoir dit. Que veux-tu que j’y fasse ? Un mois en tête-à-tête avec ma tante[2] de Baignes n’est pas une perspective réjouissante, tu sais…

Mais naturellement, je te rejoindrai où tu voudras en octobre. As-tu quinze jours de permission ?

Ta lettre m’a fait beaucoup de plaisir. Je suis contente que la Marine de guerre ne te déplaise pas, en somme. Ça vaut mieux si tu dois y faire ta carrière.

Je voudrais bien être déjà au mois d’octobre, tu sais. Pour moi aussi, c’est très pénible d’être séparée de toi. Plus que pour toi, même, parce que j’ai plus de temps pour y penser.

Papa va mieux. On peut l’asseoir un peu chaque matin sur un fauteuil depuis une dizaine de jours et il doit rentrer à la maison mercredi prochain.

Tâche de m’écrire un peu plus souvent, je t’en prie, Phil.

Je dois te quitter, mon oncle m’attend, nous devons aller à Vouvray, nous boirons du vin !

 Cave à vin à Vouvray

Envoie-moi les lettres, je suis curieuse de voir comment Berry[3] écrit.

Comme j’aimerais retourner dans la vallée de Munster !  Mais sûrement on pourra y aller pour Noël. Tu n’auras qu’à demander une permission pour te fiancer, ils ne refusent jamais, en général !

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[1] Maurice Proutaux

[2] Marie Broussard

[3] Albert Zinglé, connu lors du séjour en Alsace de Denise et Philippe fin mars.