Lettre de Philippe à Denise, Condorcet vers le 17 juillet 1937

Je ne sais plus comment je vis. Il me semble qu’il y a 15 jours que je n’ai pas eu de lettre de toi et beaucoup plus longtemps que je ne t’ai pas écrit. La vie que je mène est toujours la même –une activité désordonnée et jamais un instant de solitude. Je t’écris cela  parce que cette lettre sera mise à la poste par moi –en dehors du bord- car nos lettres sont souvent ouvertes –de même que celles que nous recevons !

Depuis que nous sommes ici, un dossier a été constitué pour chacun de nous –ils ont pris des renseignements partout où nous sommes allés, et c’est surtout d’après ce dossier que nous serons notés en fin de cours. Je n’ai pas encore les résultats officiels de l’examen trimestriel, mais officieusement, je sais que je n’ai pas une mauvaise place.

La semaine dernière, nous sommes allés à une base d’hydravion qui est au fond de la rade et nous avons fait chacun un vol d’une demi-heure. Je suis parti sur un F.B.A.[1] en double commande. C’est un tout petit appareil à coque qui ne va pas très vite mais qui est épatant comme disposition. C’est vraiment très intéressant.

   

L’hydravion polyvalent français de l’entre-deux-guerre FBA Type 17.                                           Logo de la F.B.A.

  Louis Schreck créateur de la F.B.A.

Cette semaine  du 14 juillet, cela n’a pas été drôle. Nous n’avons pas eu de permission comme c’était prévu, et je suis de plus en plus persuadé que nous n’en aurons pas avant la fin du cours –mais j’espère bien avoir une vingtaine de jours à ce moment.

Je pars à terre –il est 8h- je vais dans un petit coin pas très loin d’ici –à Sanary et je me baignerai toute la journée.

    

Deux "petits coins" près de Sanary: plage de Portissol et Roc-Amour.

Ne m’en veux pas de cette lettre si courte. J’ai beaucoup de choses à te dire et je t’écrirai demain soir, c’est sûr.

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[1] Signification du sigle F.B.A. : pendant 22 ans, entre 1919 et 1941, La Frette-sur-Seine eut comme maire l’ingénieur français Louis Schreck, connu pour avoir fondé à Argenteuil en 1913 « Louis Schreck, constructions aéronautiques », puis en 1914, La Franco-British Aviation (F.B.A.), société qui disparut en 1934. Durant ses vingt ans d’activité, la F.B.A. construisit des hydravions à coque. Au cours de la première guerre mondiale, elle produisit plus d’hydravions qu’aucune autre société dans le monde.