Lettre de Philippe à Denise, Cuirassé Lorraine, vers le 20 novembre 1937
Ecris-moi vite. Je voudrais savoir ce qui se passe à Clichy. J’espère encore un peu… peut-être la révélation brutale de l’état de ton père t’a fait croire qu’il était encore plus gravement atteint. Je ne sais rien et je voudrais être avec vous. Ecris-moi vite, je suis sûr que cela t’aidera presqu’autant de savoir que je pense à chaque instant à toi.
La vie s’écoule ici. J’ai pas mal de travail et très peu de liberté. Par moment, des choses drôles ; hier soir, j’étais adjoint à l’officier de quart, il était occupé ailleurs au moment de la sortie des permissionnaires, alors, un maître est venu me demander de les inspecter ! je me suis amené devant 15 pauvres diables pas trop sûrs d’avoir une tenue « règlementaire » et espérant que leurs cheveux trop longs ou leur chemisette douteuse passerait inaperçue. Ils étaient figés au garde-à-vous et je les regardais de haut en bas avec un air féroce.
Armée de terre, Marine, inspection des permissionnaires et humour
Ou bien, il me faut commander la garde qui rend les honneurs lorsque l’on « envoie » le pavillon le matin à huit heures. C’est une cérémonie que j’aime assez, cela a pas mal d’allure.
Envoi des couleurs un 14 juillet
Ce matin, compagnie de débarquement, au lieu d’être une unité, je commandais à 10 matelots armés de pied en cap et dont l’un avait un fusil-mitrailleur et beaucoup de cartouches (à blanc). Bagarre générale et en dépit des règles, j’ai « tué » la section d’un supérieur.
Le cuirassé Lorraine (documents personnels)
Ce soir, je suis allé chez un dentiste –il m’a ouvert une dent soignée il y a deux ans et a trouvé un pansement oublié sous une porcelaine !
A côté de toutes ces petites choses, derrière cette façade, il y a ta pensée. J’attends une lettre de toi.