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De si longues Fiançailles
14 juin 2021

Condoléances de Line Vautrin à Denise, Paris, 1-12-37

1er décembre 1937, jour des obsèques du capitaine Lucien Proutaux, père de Denise:

1937 12 01 faire-part décès Lucien survenu le 27 novembre

De nombreux courriers de condoléances sont parvenus au domicile familial à Clichy. J’ai relevé le nom de 410 familles ayant été informées de l’enterrement, qui y ont assisté ou ont envoyé leurs condoléances. Un grand nombre de ces personnes habitaient Clichy. Parmi ces lettres, j'ai choisi celle de Line Vautrin, amie de Denise, dont nous avons déjà fait connaissance:

condoléances Line Vautrin (1)  condoléances Line Vautrin (2)

 condoléances Line Vautrin (3)  condoléances Line Vautrin (4)

Ma chère Denise,

C’est avec grande tristesse que j’ai reçu le faire-part de la mort de votre pauvre père.

Je trouve cela d’autant plus navrant que vous aviez eu la joie de le sauver de la terrible opération qu’il avait eu le courage de subir, et j’étais heureuse à la pensée qu’il allait mieux.

Ma pauvre Denise, je comprends quel chagrin vous devez éprouver car j’ai connu il y a dix ans pareille épreuve.

Dites bien surtout à votre mère que je comprends sa peine car j’ai le spectacle de maman qui fut si triste pendant de longues années et je sais ce que c’est qu’une mère qui perd un mari.

Je lui envoie toutes mes bonnes pensées car je la plains de ne pas avoir Simone auprès d’elle et d’avoir la perspective de vous voir vous éloigner aussi. Heureusement que vous êtes encore près de votre maman.

Je regrette de n’avoir pu aller à l’enterrement mais je suis complètement esquintée par l’effort fourni à l’exposition depuis 4 mois[1] et celui que je dois faire durant tout le mois de décembre dans mon magasin 41 rue de Berri[2].

Line Vautrin à l'Expo 1937  Line dans sa boutique du 41 rue de Berri

Depuis 3 jours, j’ai une crise nerveuse à l’état latent car j’ai de grosses responsabilités, avec l’installation de ce magasin et des difficultés pécuniaires s’y rapportant.

Je suis donc restée ce matin dans mon lit jusqu’à midi pour me soigner.

Maman, d’autre part, n’a pu se déranger, car elle mettait au courant ma secrétaire qui, ce matin même, entrait chez nous et dont il fallait s’occuper. Maman me donne bien des inquiétudes avec son cœur qu’elle ne veut pas soigner et qui la fait souffrir.

Si je puis faire quelque chose pour vous, dites-le moi ! Naturellement, je n’oserais pas vous inviter à l’inauguration à moins que vous m’écriviez un petit mot avant le 7.

Je ne sais jamais s’il vaut mieux laisser les gens dans leur tristesse, ou s’il est préférable de les inviter afin de leur changer le moral, je regrette seulement que cette convocation de la presse n’ait lieu dans 5 ou 6 mois.

Croyez, ma chère Denise, que je prends bien part à votre peine, surtout en pensant au moment où vous retrouverez, ainsi que Madame Proutaux, la maison vide.

Maman se joint à moi pour vous envoyer nos meilleures amitiés à partager avec votre mère.

Bien sincèrement,                                                     Line[3]

1938 Line Vautrin



[1] Line Vautrin assoit sa renommée lors de l’Exposition universelle de Paris en 1937 où elle tient un stand. Elle y présente une collection diversifiée reprenant ses célèbres boutons en bronze, mais aussi des colliers, des bracelets, des boucles d’oreilles ainsi que de nombreux autres accessoires de modes. Sa collection reçoit un certain engouement

[2] En 1937, à l’âge de 24 ans, elle ouvre sa première boutique non loin des Champs-Élysées, un petit local situé rue de Berri.

[3] Line Vautrin, née le 28 avril 1913 à Paris où elle décède le 12 avril 1997, est une artiste française, designer, créatrice de bijoux et d'objets de décoration. Tout au long de sa vie, elle refuse de soumettre son inspiration aux exigences de la mode contemporaine et fabrique des milliers d'objets, dont les « sorcières », miroirs circulaires convexes, au pourtour souvent décoré au moyen de « talosel ». En 1992, elle reçoit le Prix national des Métiers d’Art pour ses recherches sur les techniques de décoration. Elle décède brutalement d’un arrêt cardiaque le 12 avril 1997, deux ans avant sa rétrospective au musée des arts décoratifs de Paris.

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