Lettre de Jane Jeanson à Denise Casablanca 8 décembre 1937

J’insère ici une lettre du couple Jane et Henri Jeanson[1], car ils prendront une certaine importance dans la vie de Denise et Philippe en 1938.

  

                                                                                                                             Ker-Maria, rue Mansard[2], Casablanca

 

Chère Madame, chère Denise,

Vos deux faireparts me rejoignent à ma nouvelle adresse et à deux jours d’intervalle. Autant je me suis réjouie de la première bonne nouvelle, autant j’ai pu être navrée de vous savoir si douloureusement frappées.

Il me semble encore revoir Monsieur Proutaux tel que je l’ai vu cet été, si pâle dans son lit de souffrance, mais si calme en apparence, avec l’espoir ferme de mieux aller bientôt. Si courageux malgré ses terribles amputations ! Lui, si actif, quelle affreuse chose que ce repos forcé ! Je pense à lui, chère Madame et amie, je vous l’assure, avec beaucoup de peine, à tout ce qu’il a souffert depuis ses opérations et à ce qu’il a dû souffrir en vous quittant… La pensée du prochain mariage de Denise a dû être une grande consolation et un apaisement de la sentir heureuse avec  un avenir assuré de bonheur, comme celui de Simone. Et vous, chère Madame, je ne doute pas que vous soyez très courageuse, malgré votre immense chagrin. Vous allez être bien désemparée de n’avoir plus votre cher malade à entourer nuit et jour comme vous le faisiez.  J’espère que vous allez être très raisonnable et commencer par bien vous reposer, vous en aviez déjà grand besoin cet été et maintenant, plus que jamais. Je vous parle en vieille grand-mère, mais surtout avec toute ma sympathie, je pense bien à vous et à votre tristesse.

Je pense aussi à Simone, que cette affreuse a surprise si loin de vous tous. Je sais par expérience combien on se sent seule et loin de sa famille quand arrivent les mauvaises nouvelles. Voulez-vous lui dire toute ma sympathie ?

Si vous avez le courage de m’écrire pour me dire ce qui est arrivé, alors que je pensais Monsieur Proutaux en pleine convalescence, … je serai contente de vous lire mais je ne veux pas que ce ne soit qu’un renouvellement de votre chagrin.

Encore une fois, mes bien affectueuses pensées, je vous embrasse de tout cœur,       Jane Jeanson.

Ne m’oubliez pas, je vous prie, auprès de Madame et Monsieur Proutaux[3].

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[1] Henri JEANSON, né le 29 août 1898, décédé le 29 sjuin 1946 à Pau, à l’âge de 47 ans. Ingénieur SUPELEC. Il épousa Jeanne Gabrielle Trempat dite Jane (née en 1907 à Beaumarchès dans le Gers) en 1929 à Clichy. Veuve, cette dernière se remaria en 1970 avec Robert Girardet.

[2] Mystère autour de ce nom de rue : il s’agit de l’architecte François Mansart et la rue se situe au quartier du Palmier, mais elle est orthographiée Mansard une fois sur deux.

[3] La tante Jeanne et l’oncle Maurice.