Lettre de Philippe à Denise, à bord du Vautour, jeudi 15 septembre 1938

Il est 6h00 du matin, je viens de faire réveiller l’équipage et j’ai un peu de temps devant moi pour t’écrire. Mardi matin, nous avons pris officiellement la charge du service « fusil » et en même temps la chambre de Duval où je suis installé. J’ai une petite planchette à la tête de mon lit, où il y a le cadre avec ta photo –celle où tu as les cheveux défaits et où l’on ne voit que ta figure.

L’après-midi, nous sommes partis vers 4h moins ¼ ; est-ce que tu nous as vus ? Vers 5h00, j’ai fait tirer mes mitrailleuses contre avion sur des petits ballons que le Gerfaut lâchait !

Puis, à 8h.., j’ai pris le quart jusqu’à minuit : il faisait plutôt mauvais temps et quand je suis descendu chez moi, il y avait 5 cm d’eau dans ma chambre !

La journée de mercredi s’est passée à croiser au large de Barcelone et du cap San Sébastien, puis nous sommes allés mouiller devant Banyuls à 7h00 du soir.

Pas de communication avec la terre. Seulement ce matin, une embarcation ira à terre à 8h00, alors, je lui donnerai ma lettre –et j’essaierai de t’écrire de Caldetas où nous devons mouiller. Nous repartons d’ici à midi pour reprendre la patrouille. Hier, nous avons vu deux bâtiments, un paquebot français et un cargo russe, … c’est tout.

J’ai cessé de faire la garde en chef[1] pour jusqu’au 1^er octobre.. Personne n’en est satisfait mais le commandant a préféré le décider ainsi puisque c’est règlementaire que je reste 6 mois avant de le faire, alors je la fais avec du Boucheron[2].

Mon amour chéri, j’étais triste de partir et je ne te le disais pas pour ne pas t’ôter de courage et pourtant, si tu savais combien j’aurais voulu pouvoir rester. Cela fait bientôt 3 jours de passés, et probablement 4 quand tu auras cette lettre. Pense à mon retour qui va arriver bientôt. Ne sois pas trop triste, dis. Dès que je le pourrai, je te prendrai dans mes bras pour te faire oublier tous les jours de solitude.

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[1] C’est dans sa lettre du 28 août que Philippe fait part de cette responsabilité.

[2] Du Boucheron a été présenté le 10 août.