Lettre d’Henriette Bonnet à Denise, Toulon, 5 septembre 1939

Chère Madame,

Je ne reçois que ce matin –5 septembre- votre lettre datée du 31 dernier et il n’y a pas les 100 francs dedans. Les aviez-vous mis ? Je vous en avertis immédiatement, ce n’était pas prudent en ce moment.

Je suis allée chez vous. J’ai pris les denrées périssables que vous m’aviez autorisée à prendre et je vous remercie bien ainsi que mon mari à qui j’ai donné le porto pour boire avec ses collègues soldats et ils ont envoyé un grand merci et un bonne santé à la donatrice. Merci encore.

Je soigne ici les petits pots et j’ai offert les fleurs fraîches à Madame Masse[1], qui ne les a pas acceptées parce qu’elle partait le lendemain. Elle voulait avoir le temps de voir ses fils (avant leur mobilisation)

J’ai fait laver le linge à Jeanne et j’ai sorti de la salle de bains vos objets personnels. J’ai mis de l’ordre partout, j’ai compté l’argenterie et fermé les portes pour le ménage ; on verra dans quelques jours, ce n’est pas encore sale et, en tout cas, je le verrai avec Jeanne pour tout ce que vous me demandez. Je vais me renseigner à la gare avant d’envoyer un colis qui pourrait être perdu. Je comprends que vous vous ennuyez là-bas mais puisque vous y êtes, Madame, il est plus sage d’y rester un peu[2].

 Denise est partie en Charente

 Mon mari est venu en permission lundi ; il a bon moral mais il souffre de l’estomac. Moi, je n’ai encore rien fait pour mon opération, tout cela étant supprimé. Je dois aller voir cet après-midi si mon docteur est mobilisé et ce qu’il compte faire.

Je ne suis pas retournée rue Fravéga[3], je vous promets d’y aller dans la soirée voir si le nécessaire est fait pour le courrier ; j’y avais songé déjà mais je comptais que Mme Masse le ferait ou m’avertirait s’il y en avait.

Elisa ne sait rien pour son fils, ils sont allés se faire inscrire à l’arsenal car elle n’a plus du travail que le matin et nous, avec Jeanne, nous venons de la caserne pour avoir du travail. On ne saura rien avant trois semaines.

Chère Madame, les lettres sont-elles ouvertes avant de nous parvenir ?

 La réponse est donnée sur l'enveloppe...

Je vous laisse, Madame, en vous envoyant nos respectueuses amitiés

                                                                                              Henriette[4]

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[1] Mme E. Masse est la propriétaire du logement de Philippe et Denise.

[2] Denise serait-elle partie pour Baignes, sur les conseils de Philippe ? Toulon étant un port de guerre, il aura pensé qu’elle serait plus en sécurité en Charente.

[3] Adresse de Philippe et Denise au Mourillon.

[4] Henriette Bonnet est la dame recrutée par Denise pour assurer l’entretien de la maison. Voir lettre du 5 mars 1939