Lettre de Philippe à Denise, Royan 22-07-1931

Un seul mot de votre lettre m’a frappé : le dernier. Jaloux ! Je vous aime trop pour l’être et puis, n’est-ce peut-être pas dans mon caractère.

 Le Jaloux, pièce d'Antoine Bibesco (1878-1951): le personnage principal interroge sans fin son amie suir son passé et son présent, la torturant de ses soupçons, ce que Philippe se défend absolument de faire... Est-il vraiment sincère?

Denyse très chère, combien de fois vous ai-je dit que vous étiez libre, libre de faire tout ce que vous voudrez si vous estimez que cela peut vous rapprocher de ce que nous cherchons tous sur terre : le Bonheur. Je vous aime trop pour être jaloux. Je vous veux heureuse et si un jour, je vous deviens un obstacle, sacrifiez-moi, s’il vous plaît de le faire –mais je vous adresse toujours cette prière : prévenez-moi.

Vous gronder, je n’en ai ni le courage, ni l’envie : mon orgueil ne se sent pas atteint. Non, c’est un sentiment beaucoup plus suave que j’éprouve à comprendre que vous me quitterez sans doute bientôt… l’impression très douce de quelqu’un qui s’éteint, très faible et presque sans se rendre compte que la vie, ou peut-être l’amour tout simplement, s’éloigne de lui.