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De si longues Fiançailles
6 février 2021

Lettre d’Indira à Denise, The Holme, Simla, 15 décembre 1936

1936 12 15 The Holme Indira (1)   1936 12 15 The Holme Indira (2)

Ma chère Denise,

A la veille de mon départ, je vous écris ces quelques mots. Nous partons aujourd’hui, mon père et moi, pour Delhi. Nous y resterons pendant quelques jours seulement. Ensuite, nous irons à Bénarès pour un mois, et après, chez mon oncle, à ses propriétés. Maman est restée à Simla pour se faire soigner par le dentiste. Amri est déjà partie il y a plus d’un mois. Elle est en train de voyager et fait des expositions de sa peinture dans toutes les grandes villes de l’Inde. Elle a beaucoup de succès, des articles ont paru dans tous les journaux importants. Enfin, elle devient un personnage célèbre.

1936 12 15 Revue indienne Amrita (1)     1936 12 15 Revue indienne Amrita (2)

 article sur Amrita...

1936 12 15 Revue indienne Amrita (3) ... provenant de cette revue envoyée par Amrita à Denise

1936 12 15 Revue indienne Amrita (4)   The Child Wife 1936 détail

 1. Quelques mots d'Amrita inscrits sur la Revue, presque effacés: puisque vous aimez "child wife", voici une reproduction (quoique assez mauvaise) en couleur: ça vous donnera une idée de l'original.

2. Détail de "child wife", qui est connu sous l'appellation "child bride" ("l'enfant mariée", une protestaion d'Amrita contre le mariage des filles impubères)

Il y a un Monsieur Hindou[1] avec elle, qui lui sert de « business manager », car elle serait bien incapable d’arranger toutes les affaires, et puis, aux Indes, c’est bien difficile de voyager seul.

Je suis contente de partir, car je commence à en avoir assez de Simla.

Toutes mes félicitations pour le mariage de Simone avec Rosé. Dites-leur que je leur souhaite « le bonheur éternel ». Où ont-ils passé leur lune de miel ? Eh bien, ma chère Denise, dépêchez-vous aussi. Vous avez revu Phil ? C’est toujours le grand amour ?

Je vous quitte, ma chère, car je n’ai pas encore fini de faire mes malles… bien que je les ai commencées il y a deux semaines.

Ecrivez-moi, méchante fille, je vous embrasse

Indu

Ma chère Denise, j’ajoute quelques lignes à celles que j’ai écrites à Simla et que j’envoie de Delhi (j’avais oublié de la mettre à la poste).

Nous voilà depuis trois jours à Delhi, il y a dix ans que j’étais ici la dernière fois. C’est tellement changé que je ne la reconnaissais pas. La ville est divisée maintenant en deux parties ; il y a « Old Delhi » et « New Delhi ». La dernière, ils ont commencé à la bâtir il y a dix ans, donc c’est tout à fait neuf. Bien propre, moderne et très chic, mais ça n’a rien d’intéressant, ni de pittoresque. Tandis qu’à Old Delhi, il y a des choses épatantes à voir, surtout dans les environs.

Amri ira peut-être à Colombo, mais ce n’est pas encore sûr. Vous pouvez toujours m’écrire à Simla, on me les fera suivre.

Tâchez de m’avoir des nouvelles d’Edith. Je pense tous les jours à elle et pourtant je ne peux pas lui écrire, c’est bête, n’est-ce pas ? En attendant votre lettre, je vous embrasse

Indu



[1] Indira ne cite pas le nom de ce « manager », mais j’émets l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Barada Ukil. Voici ce qu’Amrita pense de lui en 1937 : « I also have the conviction that Barada Ukil in his heart of hearts detests my work, but realising there is something in it, wants to take the credit for being one of the first to have acknowledged it and thereby ensure his reputation as an “art critic" for the future also. (He doesn’t know a thing about art criticism but having a few stock phrases & platitudes at his disposal, manages to pass off as one.) I have often told him this and attributed even lower motives to his interest in my art. (He is in love with me and would like to marry me.)”

Et un autre indice: “While she resided in Simla for the next four years and painted, Amrita Sher-Gil also took the time to travel around the country and participate in exhibitions. 1936 was an important year for this young female artist-she toured Bombay, Hyderabad, and Trivandrum as part of a joint exhibition with the artist Barada Ukil. Earlier that year in September, Ukil had organised an exhibition of modern Indian artists at the Cecil Hotel in Simla, and eleven of Sher-Gil's paintings were part of that show. In November, their joint exhibition at the Taj Mahal Hotel in Bombay showcased the portraits, still-lifes, and nudes that she had painted in Paris, as well as those done in India. Here she sold one of her early seminal works, Composition, for Rs 1000, to an "Indian gentleman" (Sundaram, ed., Amrita Sher-Gil, Vol. I, p. 261), who turned out to be Anand Prabha Shankar Pattani, Dewan of Bhavnagar.”

Barada Ukil était artiste ; il est ensuite devenu critique d’art , et  après la guerre, le  Secrétaire général de la Société des Arts et Métiers Indiens (AIFACS), dont il avait été l’un des fondateurs. Il est qualifié de fervent orientaliste de l’Ecole du Bengale. A ce titre, il trouvait qu’il manquait au travail d’Amrita l’esprit de la renaissance de l’art indien moderne. Il était l’éditeur de la revue d’art "Roop-Lekha".

Autre indice : Barada Ukil reconnut qu’Amrita était « l’artiste la plus originale de notre pays ». Ukil s’intéressa particulièrement à Amrita et ils entreprirent un grand tour dans l’Inde du Sud, durant lequel ses travaux furent exposés dans des villes telles que Bombay, Chennai et Hyderabad. Ukil fut également celui qui présenta ses peintures à la société de Lahore lors d’une exposition individuelle tenue en 1937. (d’après ma traduction)

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