Lettre de Philippe à Denise, St-Malo, mercredi soir 6 janvier 1937

Je sors du carré[1], il est 7h00 et je pense à toi toute seule dans le train. Tu étais triste en me quittant –plus que les autres fois- et moi aussi j’avais de la peine d’être obligé de te laisser partir. Je ne sais si c’était à cause du vent ou pour une autre raison, mais je n’y voyais pas très clair en revenant de la gare, et pourtant je serrais les dents...

 Denise sur le Gabriel Guist'Hau lors de son bref passage

Je suis peut-être, pour d’autres, un garçon maître de lui et qui prend la vie du bon côté ; mais pour toi, je ne suis qu’un grand garçon qui a du chagrin quand il ne te sait plus près de lui. Je n’ai pas le cafard –pas encore- je ne sens que ton absence.. Je ne suis plus rien, puisque, lorsque tu t’en vas, tu emportes le meilleur de moi-même.

Nous partirons demain matin et serons sans doute samedi soir ou dimanche –cela dépendra du temps- à Cardiff. Tu m’auras écrit ce soir ou demain matin. Ecris-moi une autre fois, vendredi, à Cardiff simplement –sans mettre s/s Gonneville[2]. 

 Le Gonneville

Comme cela, je serai sûr de recevoir au moins une de tes 2 lettres. Ensuite, écris-moi à Calais, s/c M. Ravisse[3], courtier maritime.

Je termine ma lettre, car le 3^ème mécanicien va à terre et l’emportera : peut-être l’auras-tu demain.

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[1] Le carré du bateau regroupe la cuisine, un bar et un grand salon.

[2] Lancé en 1912 à Lübeck, ce cargo apparaît en 1925 sous le nom de TETUAN. Il est racheté en 1930 par la Cie maritime Normande et prend le nom de GONNEVILLE.

[3] Ravisse : famille importante de Calais, connue pour ses activités de courtier maritime de père en fils. Il s’agit vraisemblablement ici de Charles Ravisse, qui intégra la Chambre de Commerce et d’Industrie de Calais en 1946, puis en fut le président à partir de 1961.