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De si longues Fiançailles
11 avril 2021

Lettre de Philippe à Denise, à bord du Condorcet, mardi soir 4 mai 1937

Ecoute, je t’assure que je ne suis pas si fautif que ça. Si tu pouvais me voir, en étude, comme au temps du collège –avec cette seule différence d’un uniforme ! Je t’écris et mon coude touche le coude d’un type que je ne connais pas –je me suis d’ailleurs mis ainsi parce qu’il me semble que je suis plus seul –et encore…

J’avais abandonné ma lettre. Maintenant, il est 9h½ et depuis 9h00, presque tous sont partis. C’est le seul instant de tranquillité relative. S’il n’y avait pas cette question de n’être jamais seul, la vie serait assez supportable car nous faisons beaucoup de choses. Ainsi, demain matin, à 8h, nous partirons à 10 faire de la voile –retour vers 9h- puis conférence sur l’artillerie- puis ensuite à 10h, on repart sur un vapeur que nous manœuvrons dans tous les coins de la rade. Nous avons des conférences théoriques faites par un enseigne à deux galons, un lieutenant de vaisseau et par le commandant, et des cours pratiques faits par des « sous-officiers ».

entraînement physique  voile

Entraînement à bord d'un cuirassé

J’ai fait la connaissance de 4 ou 5 garçons assez intéressants –plutôt sortables. L’un a une voiture depuis 8 jours et samedi, nous avions une permission de 24h. Nous sommes allés nous baigner au Rayol –direction de Nice, puis, dimanche matin à St Raphaël et dimanche après-midi au Lavandou.

affiche St Raphaël  Affiche touristique

1937 05 04 plage du Lavandou    Saint-Raphaël plage du Veillat

Plages du Lavandou et du Veillat à Saint-Raphaël

Evidemment, ce pays n’est pas mal, mais ne possède pas un caractère personnel. Il me plaît assez parce que l’eau est claire et qu’il y fait soleil mais la mer ne me parle pas comme l’Atlantique et s’il y a de belles couleurs vives à certains moments, cela m’enchante moins que les tons plus doux d’Oléron –le paysage me semble « vulgaire ».

Je n’ai pas encore écrit à Berry[1] mais je t’assure que ce sera fait demain soir. J’ai demandé de l’argent à mes parents, car il est possible que je puisse quand même monter à Paris pour te souhaiter ta fête (la Ste Denise, le 15 mai). Tu le veux bien ?

Si c’est possible, j’arriverai sans doute dimanche matin (le 16 mai, jour de la Pentecôte) pour repartir lundi soir (grâce au lundi de Pentecôte). Je serai fixé demain ou après-demain ; je t’enverrai une lettre puis un télégramme avant de partir.

Envoie-moi des nouvelles de ton père et présente mes respects à tes parents.

Je suis un pauvre matelot de 2ème classe, le soir, quand je m’endors, j’ai le cafard et ne puis le chasser qu’en pensant à l’avenir que je désire très beau –pour toi. Dans ma « passivité », il ne me reste plus que cela –la volonté d’arriver, -pour toi.

Condorcet cuirassé d'escadre à turbines 



[1] « Berry » Albert Zinglé, de la famille qu’ont connue Philippe et Denise pendant leur séjour de mars en  Alsace.

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