Lettre de Philippe à Denise, Toulon, vendredi 18 mars 1938
La brasserie Guillaume Tell avant-guerre et dans les années 50, avant qu'elle ne disparaisse
L’examen est terminé et je pars tout à l’heure pour Chéray, d’où je t’écrirai, évidemment, pour te dire quel jour j’arriverai, sans doute le 24 au matin.
Je n’ai pas revu Roger (Bonnot) ; la Galissonnière doit être toujours prête à appareiller et sans doute, cela va se produire d’ici peu. Je suis un peu ennuyé parce que je ne sais pas si j’aurai Toulon ; je n’ai pas eu le rang que j’espérais mais comme sans doute, je serai demandé sur Galissonnière, je pense que nous viendrons quand même ici.
N’aie pas peur[1], il ne reste plus que quelques jours avant notre mariage et je ne pense pas qu’un conflit éclate tout de suite –cela attendra encore bien. Denise aimée, je ne sais plus que penser aux jours qui vont venir et qu’Hitler envahisse l’Autriche est beaucoup moins important à mes yeux que le 29 mars qui arrive. D’ailleurs, ne sois pas affolée par la vitalité qui se dégage des actions allemandes ; ce qui fait force, c’est que la France est désunie, désagrégée par la politique attentiste, mais en réalité ils sont bien moins dangereux qu’en 1914 et ils le savent.
Sois sans crainte, dans quelques jours, notre vie à tous les deux va commencer et il n’y a que cela qui compte. Je pense à chaque instant à toi et chaque jour qui me sépare encore de toi me semble plus long que le précédent.
P.S. : Langle[2] m’a demandé ce qui nous ferait plaisir, je lui ai dit que je lui téléphonerai quand je serai à Paris parce que je veux avoir ton avis.