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De si longues Fiançailles
12 septembre 2021

Lettre de Philippe à Denise, Bizerte, mardi 31 mai 1938

Je viens d’assister à un accident d’aviation et je ne sais pas encore si les types s’en sont tirés. Il y avait cet après-midi un grand exercice au-dessus de Bizerte et un hydravion était attaqué par trois «Dewoitine» qui ont fait des piques sur lui mais, à un moment donné, deux Dewoitine se sont heurtés.

1938 05 22 Dewoitine D520

Dewoitine D520

La carlingue de l’un a été coupée et j’ai regardé à cet instant précis, j’ai vu les avions descendre en feuilles mortes, un type a sauté en parachute, et les avions ont disparu derrière les maisons. Il semblait que l’un d’eux avait pu reprendre contrôle et se laissait tomber à la mer, mais je n’en sais rien encore. C’est drôle, ce n’est qu’en y réfléchissant que je pouvais imaginer que des hommes jouaient leur vie. On aurait dit seulement deux petits avions –deux jouets- qui volaient mal et qui tombaient.

Les bruits les plus fantaisistes circulent à Bizerte parce que l’on renforce les troupes dans le sud et hier soir, il était question de deux avions italiens abattus à la frontière de Tripolitaine. Dans un certain sens, ce ne saurait que faire rester tranquilles les Mussolini et autres grands hurleurs –mais c’est si peu dans les méthodes françaises !

Ligne Mareth

Hier après-midi, j’ai rencontré Gondran[1].

Le Petit Marseillais du 17 novembre 1933

Nous avons pris le café ensemble et comme des parents à lui qui habitent Tunis, sont arrivés, ils nous ont emmenés.

Je suis donc allé à Tunis rapidement (105 de moyenne) et n’ai pas vu grand-chose –assez pourtant pour perdre une illusion de plus : Carthage ! De loin, j’ai vu une colline surmontée d’une immense basilique, c’était Carthage, et vite, les images se sont soulevées, mais je n’ai vu que des villas modernes, puis, sur la colline, des vignes –le vin de l’archevêché- et parfois, un trou, un bout de canalisation ou bien, au milieu des vignes bien alignées, des colonnes doriques dont le marbre se détachait dans le ciel, mais c’était si peu, il y avait tellement de choses modernes que le passé était étouffé –plus encore que sur l’Acropole où, seuls, les hommes ne sont pas à la mesure des pierres.

1938 05 22 Fouilles autour de la Cathédrale de Carthage

Il ne restait plus que le cirque de la côte au loin et puis, le soir en revenant, dans la lueur des phares, j’ai vu l’aqueduc dont Matho avait descellé une dalle pour parvenir à Salammbô, mais que d’imagination…

1938 05 22 Matho et l'aqueduc Salammbo Matho et l'aqueduc Salammbo

Demain, nous partons pour Sfax, où nous serons vendredi soir. Sans doute, là-bas, irai-je au colisée d’El Djem, je crois que c’est un des plus beaux témoignages de la puissance de Rome que l’on puisse voir. J’irai donc… y verrai-je les toges des praticiens, les faisceaux des licteurs ?

1938 05 22 le colisée d'El-Djem Le colisée d'El-Djem

Les avions sont à nouveau en l’air et ce soir, j’aurai un exercice avec eux. Je dois les éclairer avec mes projecteurs et l’on vient de me prévenir.



[1] GONDRAN Albert, ancien élève du navire-école de marine marchande Jacques Cartier, 11ème promotion 1929 – 1930. Officier de gendarmerie maritime en chef. Aide major de Toulon.

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