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De si longues Fiançailles
21 novembre 2021

Lettre de Philippe à Denise, 15 novembre 1939

Ma petite fille chérie                         (lettre numérotée "4" en raison des pertes de courrier)

J’avais bien reçu le mot que tu as glissé dans la lettre de Lucien.  Mais c’était tout jusqu’à hier où l’avion m’a apporté ta lettre du 9 novembre. J’ai bien eu deux lettres datées de septembre et d’octobre, mais elles me semblaient loin, un peu comme si le temps qu’elles avaient mis à m’arriver leur avait fait perdre le « quelque chose » de toi qui me paraît vivant quand je reçois une lettre récente.

Celle-ci est la quatrième lettre que je t’écris depuis le 1er novembre. Où serai-je quand tu y répondras ? Je pense que nous ferons quand même notre carénage à la date prévue mais je ne sais pas ci ce sera Cherbourg.

Je t’ai fait une délégation de 1.800 francs par moi –qui te parviendra sous forme de mandat expédié par la Marine en France et comme j’aurai sans doute davantage d’argent, je t’en enverrai en plus une fois que j’aurai payé mon tabac et les petites choses que je m’achète.

Je me demande si nous serons partis quand Simone arrivera. Lucien lui a écrit de passer par Marseille mais je ne sais si elle aura la lettre assez tôt.

Mon otite n’est pas grave, mais embêtante –ce n’est pas encore fini et je ne peux pas me baigner –enfin, cela vaut mieux que le paludisme (il y a 6 cas à bord).

Ma petite fille, écris-moi par avion –même si nous partons, je risquerai davantage de les recevoir- et puis pense que les lettres reçues à bord par tous les autres étaient datées entre le 25 octobre et le 5 novembre pour les deux courriers précédents !

L’autre soir, j’étais de garde et Lucien devait diner à bord ; en prenant l’embarcation, un officier de la Direction du Port[1] lui a donné un message pour moi, me demandant d’envoyer une embarcation au secours de deux autres qui étaient en danger –de sorte que je suis parti –laissant la garde à l’officier en second[2] lorsque Lucien est arrivé- et il a diné sans moi. Je suis arrivé malheureusement trop tard –il y a eu deux morts.

Jean-Baptiste Plançon est envoyé à Dakar  port de Dakar en 1939mort d'un jeune marin un autre accident

Dakar - Direction du port militaire au début du XXème siècle

Dakar direction du port et de l'arsenal

Le port de Dakar au début du XXème siècle

Ce soir, je dois aller diner chez les Fossé (l’étudiante en pharmacie[3]) et si je suis encore là samedi, j’irai avec le mari à la recherche de quelque chose pour toi. Il est au service de l’hygiène et connait des tas d’artisans maures[4].

1982 cour des Maures à St Louis Un artisan maure au Sénégal, 1982

 

Ma petite fille aimée, je vais te laisser. Que ma lettre t’arrive vite si tu les attends avec moitié  moins d’impatience que moi j’attends les tiennes.

[1] Le contre-amiral Jean-Baptiste Plançon (1885-1960) commandait le port de Dakar en 1939.

[2] L’officier en second sur le Niger est Bardet.

[3] Jeanne Fossé, voir lettre du 28 octobre

[4] Il existe à Dakar un lieu appelée « la cour des Maures », au quartier Médina, où se regroupent de nombreux artisans mauritaniens, bijoutiers, peintres sur verre et travail du cuir.

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