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De si longues Fiançailles
2 juin 2020

Lettre de Philippe à Denise (non envoyée), Royan, vers le 1er avril 1933

Ce soir, après être allé faire un tour avec mes parents, je suis monté dans ma chambre au second et j’ai relu « La divine chanson » de Myriam Harry[1].

 

Myriam Harry La divine chanson 1912   Myriam Harry en 1904

 

La divine chanson, parue en 1912, de Myriam Harry (photo de 1904)

 

N’est-ce pas par toi que je l’ai ? Quand j’ai fini de lire, j’ai rêvé un peu. J’ai regardé aux murs des objets qui viennent de loin, dans une coupelle, des pièces d’argent étrangères, puis j’ai voulu revoir cette photographie de toi sur les rochers de Vallières que nous avons prise la première année et que tu m’as donnée en sous-verre. Quelquefois, dans un simple roman, on trouve des coïncidences étranges. Ce Silvère, qui est un être simple, sait que son amour sera malheureux et songe souvent à la mort ; il aime une petite parisienne.

Ce soir, après bien d’autres, il me semble que mon amour pour toi ne sera pas heureux.

Oh j’ai confiance en toi, et si, parfois, je suis jaloux des gens qui peuvent t’approcher, te voir, te parler, se sur qui se pose ton regard, je ne pense pas plus loin. Mais parfois, il me semble que tu vas réfléchir, que ta raison va te dire que l’avenir avec moi n’est pas sûr et qu’un jour, tu m’annonceras que tu vas épouser un autre garçon. Je ne t’en voudrai pas, tu le sais bien et je te souhaiterai sincèrement d’être heureuse. « La reine ne peut mal faire[2] », mais je cois que ce sera terrible pour moi.

J’ai le cafard ce soir et pourtant dans quelques jours je vais t’embrasser. Heureusement que tu ne liras pas ces deux pages, mais cela m’aura fait du bien de te les écrire.



[1] Maria Rosette Shapira dite Myriam Harry est une femme de lettres française née à Jérusalem le 21 février 1869 et morte à Neuilly-sur-Seine le 10 mars 1958. Elle a été la première lauréate du prix Femina (alors dénommé prix La Vie heureuse) créé en novembre 1904 par réaction au refus des membres du jury Goncourt de la récompenser alors qu'elle était pourtant favorite. Traduite dans plusieurs langues, elle connut un grand succès durant la première moitié du XXe  siècle et vécut, toute sa vie durant, de sa plume.

[2] La Reine ne peut mal faire, adage cité par Philippe la première fois le 15 novembre 1930, puis le 27 janvier 1931

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