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De si longues Fiançailles
24 décembre 2020

Lettre de Denise à Philippe Royan, lundi 21 septembre 1936

Je suis sûr que tu es encore très fâché contre moi à cause de mon silence. Mais écoute-moi d’abord : hier après-midi, Pierrette a débarqué ici pour voir Simone avant son mariage. Naturellement, il a fallu lui tenir compagnie la pauvre fille a une maladie de cœur, elle est toute enflée et en danger de mourir subitement[1].

Pierrette 1975    1983 Pierrette

 Pierrette Henri (avec moi) en 1975, puis en 1983

Le soir, j’ai été chez toi, et ton grand-père a essayé de nous persuader, à ta mère et à moi, qu’on voyait le Mont St Michel depuis Belle-Île-en-Mer. Ça a un peu troublé mes notions de géographie !

Ce matin, nouveau débarquement, et pour la même raison (je commence à en avoir assez de ce mariage) : nos cousins de Jonzac. Ils étaient quatre, et parmi eux, la  jeune femme que tu connais[2], qui nous a demandé de tes nouvelles.

Jonzac avril 31       Jacques & Thérèse Marboeuf 1975

          La maison des cousins de Jonzac en avril 1931            chez les Cousins Jacques et Thérèse en 1975 (le barbu c'est moi)

Nous avons été à la plage quand même, avec elle, et nous avons pu nous baigner deux fois, le matin et le soir. Il faisait un temps superbe. Mais, naturellement, je ne pouvais pas t’écrire. Ils sont repartis maintenant, mais il est onze heures du soir et Simone va vouloir se coucher. C’est infernal, tu sais, de ne jamais avoir la paix. La lampe de la petite salle à manger éclaire encore plus mal que celle de notre chambre, et je ne peux, bien sûr, pénétrer dans la grande maison[3]

Demain, il y a une nouvelle invasion : des gens qui ne sont même pas nos cousins et qui ne nous ont pas vus depuis quinze ans ! Je ne sais pas quand ça va s’arrêter.

A part cela, il fait un temps délicieux. Quel malheur que tu ne sois pas là, Phil, il n’y a presque personne à Royan. Tu sais que nous sommes très bien avec Nane[4], maintenant. Elle reste auprès de nous presque tous les après-midis. Elle est adorable : on dirait à la fois une poupée et un petit singe.

Il ne faut pas que tu sois triste et fâché contre moi, méchant garçon. D’abord, je serai auprès de toi dans quatre jours. Ce sera vite passé. Tu oublieras vite que je ne t’ai pas écrit aussi souvent que tu le désirais.

Je voudrais bien être à la place de Simone, et que ce soit toi, cet imbécile de Rosé dont la seule préoccupation, à l’heure actuelle, est de savoir si sa fiancée l’autorisera à se marier en uniforme ! (C’est exact, je te raconterai l’histoire, elle est assez drôle).

Ta mère te recommande de ne pas oublier d’envoyer ton linge jeudi (ou quelque chose comme cela, j’espère que tu comprends).

Simone est en train de me fly-toxer.

Fly-tox modèle 1930 un antique Fly-tox

Je vais te quitter, Phil, je tâcherai de t’écrire encore demain.



[1] Il s’agit de Pierrette Henri, amie d’enfance de Denise, qu’elle retrouvait l’été à Baignes, où elle avait grandi. La maladie de cœur de Pierrette ne fut pas cause de son décès, vers l’âge de 70 ans.

[2] Il s’agit de Thérèse Marboeuf, épouse de Jacques. Ils se sont mariés quelques mois avant et sont très reconnaissants à Julie de les avoir soutenus, contre l’avis de la famille.

[3] Les deux sœurs habitent dans un logement annexe à la villa que possède Tante Marie à Royan. Ce que Denise ne mentionne pas, c’est qu’elles sont ainsi plus libres de leurs mouvements que si elles logeaient « dans la grande maison ».

[4] Nane: diminutif d'une petite fille que nous retrouverons grandie le 31 mai 1938, tout en ignorant son identité réelle.

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