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De si longues Fiançailles
1 avril 2021

Lettre de Philippe à Denise, Royan, Jeudi 8 avril 1937

Je commençais à désespérer, ta lettre n’est arrivée que ce soir à 7h. Les photos, évidemment ne sont pas merveilleuses –tout juste honnêtes- mais elles permettent chacune de se souvenir avec plus de précision des moments heureux que nous avons vécus là-bas.

1937 03 Stosswihr Denise (3)

Je suis content que ton père aille bien et je pense que le cœur se remettra lentement. Ce ne doit plus être qu’une question de patience. J’espère que l’opération de ta tante s’est bien passée –d’ailleurs, il n’y avait pas de raisons du contraire.

J’ai commencé à lire « L’Homme cet inconnu[1] » du Dr Alexis Carrel[2]. C’est assez dur à lire et parfois discutable –mais malgré tout, c’est assez intéressant et peut faire suite à mes lectures sur les théories de Darwin.

Alexis Carrel     Dr Alexis Carrel L'Homme cet inconnu 1935

 Alexis Carrel et son ouvrage

Ce soir on m’a fêté mes 25 ans…J’espère que ce sera toi qui me souhaiteras mes 26 ans.

Je ne suis plus rien depuis que je t’ai quittée et j’ai cessé de vivre. Je voudrais te donner du courage pour continuer à vivre à Paris encore un an, parce qu’avec du courage, tu seras plus active, plus heureuse ; il faut oublier tous les reproches que je t’ai faits à Stosswihr, un soir. J’ai eu tort, je le comprends maintenant. Tu es toujours libre d’agir comme il te plaira et puisque tu acceptes que je t’aime, c’est encore moi qui ai la plus belle part.



[1] L’homme cet inconnu œuvre de Carrel, l’eugéniste volontaire.

Alexis Carrel n’est hélas pas le seul scientifique « eugéniste » de son époque. La Belle Époque, c’est aussi celle d’avancées scientifiques majeures, comme la propagation de la théorie de l’évolution naturelle de Darwin. Dans ce moment de transition entre ancien et nouveau monde, le Darwinisme Social, ou eugénisme volontaire, fonde scientifiquement la nature héréditaire de la classe des pauvres et de la classe des riches. Ce courant scientifique et politique est animé par des scientifiques et des industriels convaincus et militants : l’anglais Ronald Fisher, le français Charles Richet, prix Nobel de physiologie et de médecine en 1913, et membre de l’Institut, les américains Lindbergh, Ford, Bell, antisémites obsédés par l’immigration des pauvres du sud et de l’est de l’Europe.

Alexis Carrel grand scientifique reconnu, est le champion de ce courant qu’il théorise et dont il envisage les applications dans son livre qui sort aux États Unis et en France en 1933 : l’Homme cet Inconnu. Il est traduit en dix-huit langues, a des dizaines de milliers de lecteurs : son succès est immense. Prosélyte, Carrel surfe sur le tout New York en diffusant ses thèses eugénistes.

Il propose la « révolution destructrice », fondée sur la peur de déclin de la civilisation et décadence de la « race » : « L’eugénisme est devenu indispensable au salut de la race blanche ».

Son programme :

-                suppression des institutions démocratiques,

-                suppression des avancées médicales pour les femmes en couches, les malades mentaux, les faibles et les pauvres,

-                stérilisation volontaire,

-                méthode de « dressage » des enfants,

-               suppression des éléments du confort moderne pour les pauvres, afin de rétablir le caractère viril et conquérant dont on aurait besoin pour « la conquête par le civilisé des matières premières et des marchés ». Il remarque que les souris affamées sont plus petites, mais plus intelligentes et surtout plus agressives,

-                colonialisme actif,

-             politique nataliste brutale pour assurer la suprématie de l’occident et de la « race » blanche. À ces idées de l’époque, Alexis Carrel veut assurer la pérennité scientifique et la mise en pratique.

[2] Alexis Carrel (1873-1944), médecin, chirurgien doué et précurseur, est issu d’une famille bourgeoise catholique lyonnaise. Il fait ses études de médecine, rate par deux fois le concours du Chirurgicat. Il s’expatrie au Canada, ensuite à Chicago et finalement à New York où il fera toute sa carrière jusqu’en 1939 à la Fondation Rockefeller, dotée d’un budget énorme, de gros moyens de recherche, grâce à Simon Flexner, Directeur du Laboratoire.

Il y réalise ses travaux expérimentaux sur la chirurgie vasculaire, la greffe d’organe (précurseur de la transplantation cardiaque) et la culture des tissus vivants. Le prix Nobel de médecine et physiologie lui est décerné en 1912 pour ces découvertes. En France, au moment de la première guerre mondiale, il met au point et pratique avec le chimiste anglais Dakin, la nouvelle méthode Carrel-Dakin de traitement des grands brûlés. Il reçoit la Légion d’Honneur.

Il fréquente les milieux catholiques de droite. Il va à Lourdes chaque année et atteste de la réalité d’une guérison « miracle ». C’est dans ces milieux qu’il cherche dès 1927 à créer son Centre de Recherche sur l’Homme. Pétain lui donne de gros moyens financiers pour le réaliser et fait de Carrel le « régent » de la Fondation Française pour l’Étude des Problèmes Humains en 1941. Carrel adhère par conviction au Parti Populaire Français, le parti pronazi de Jacques Doriot.

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