Lettre de Philippe à Denise, Brest, Hôtel Continental, mercredi 19 janvier 1938

Papier à lettre à en-tête de l’Hôtel Continental[1]

J’ai écrit à Berry[2] et il y a quelques jours, j’ai reçu une carte de lui qui avait été envoyée avant qu’il ait reçu la mienne.

Ma demande d’autorisation de mariage est faite et a commencé déjà à recevoir des signatures, celle de mon chef de poste est « favorable » et la demande d’enquête –à ton sujet- faite par le Commandant a dû être convoyée ce soir.

Je suis très coupable de ne t’avoir pas écrit plus tôt et je ne sais comment me faire pardonner ma paresse, car je n’ai même pas le cafard. Je me sens fort et prêt du but. Chaque jour me rapproche de toi et, le matin, en me levant, je sais que la journée passera vite parce que je travaillerai pour toi.

La vie à bord est toujours la même. Il y a un lieutenant de vaisseau qui est rentré ce matin de permission avec un énorme bandage : chute de ski aux environs de Megève, le veinard ! La semaine prochaine, nous sortirons trois jours pour faire des exercices et pour vérifier le fonctionnement de toute la bête d’acier. Maintenant, nous prenons davantage part à la vie du bord et nous aurons probablement pas mal de travail. Puis les dix premiers jours de février se passeront en mer, avec escale au Havre, comme prévu, et le mois sera bientôt fini. Le 2 mars, nous commençons notre écrit et le 14 mars, nous devons être à Toulon. J’espère ainsi être libre pour le 25 mars. Quand je pense à cela, il me semble que c’est un rêve, puis je sens que c’est si beau que je veux encore plus le réaliser et te voir sourire, heureuse après.

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[1] Le Continental est l’un des hôtels historiques de Brest, rue Émile-Zola. Sa situation, idéale en centre-ville, en a fait, durant la guerre, le siège de l’état major naval allemand. Il fut bombardé puis réédifié en 1948.

[2] Berry : il s’agit d’Albert Zinglé, de Stosswihr en Alsace (voyage de mars 1937)