Lettre de Denise à Philippe, Clichy, samedi 12 février 1938

Je suis désolée de te savoir malade[1]. Si j’étais seulement auprès de toi pour te soigner… Ça me fait tant de peine de songer que tu es tout seul. Et puis, je suis inquiète aussi. Ce n’est pas normal, tu es tout le temps enrhumé, et ta poitrine fait du bruit. Phil, je voudrais tant que nous soyons mariés. Je t’assure, ta poitrine ne ferait plus de bruit !

J’espère tout de même que tu te soignes et que tu n’as plus de fièvre. Vous avez dû avoir joliment un sale temps hier pour regagner Brest. Ce soir, il fait ici une tempête à tout arracher.

Je me demande si tu pourras venir dimanche quand même. Si c’est seulement la grippe, ce sera sûrement fini. Mais je voudrais déjà avoir reçu la lettre me disant que c’est fini.

Mon pauvre chéri, j’ai peur que ton second témoin[2] s’évanouisse lui aussi en fumée. Il paraît qu’il s’embarque sur La Galissonnière[3] le 1^er mars à Toulon. Ta mère dixit. Tu feras bien de lui écrire dès que tu seras guéri. N’attends pas trop longtemps.

Je travaille bien, tu sais. J’ai fait beaucoup de choses cette semaine. J’ai essayé mon manteau ce matin avec le col de fourrure. Il sera très bien, et ma robe aussi. Je crois qu’ils te plairont. Mais sait-on jamais ?

Phil, je voudrais être près de toi et te mettre des cataplasmes[4]. Je ne sais pas les faire, mais je sais très bien poser les ventouses[5], sans brûler !

Soigne-toi bien, je t’en prie. Je suis très inquiète et j’attends ta prochaine lettre avec impatience. Je voudrais être assise sur ton lit, à côté de l’oreiller. Je prendrais ta tête dans mes bras et je te forcerais bien à n’avoir plus de fièvre ! Je voudrais tellement te soigner, te dire des choses douces, te rendre heureux. Est-ce que tu crois vraiment que dans six semaines ?...

Est-ce qu’il y a toujours autant de catastrophes chaque fois que l’escadre sort ?

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[1] Je n’ai trouvé aucun courrier  à propos de la maladie de Philippe (une bronchite), mais le sujet va alimenter la chronique dans plusieurs courriers.

[2] Les deux témoins de mariage de Philippe sont William Bertrand, ministre de la Marine militaire, trop absorbé par ses responsabilités et le Commandant Bonnot, qui prend le commandement de La Galissonnière. Il va falloir chercher d’autres témoins.

[3] Présentation de ce bâtiment avec la lettre du 14 février.

[4] Comment soulager une bronchite aiguë avec un cataplasme d’argile ?

Mélangez de l’argile avec un peu d’eau froide, de manière à obtenir une pâte, et ajoutez quelques gouttes de vinaigre. Étalez cette pâte en couche épaisse de 1 à 2 cm sur de la gaze ou sur du papier absorbant. Repliez la gaze, appliquez sur les bronches et la poitrine. Recouvrez avec un linge de coton, et entourez d’une couverture de laine. Laissez agir entre une demi-heure et une heure : l’argile doit être complètement sèche lorsque vous retirez le cataplasme. Lavez ensuite la zone traitée à l’eau chaude.

[5] L'encombrement des voies respiratoire est l'indication ancestrale des ventouses : nos grands-mères les utilisaient en cas de bronchite. Le praticien ne se contente pas de les appliquer sur le thorax, mais aussi sur quatre points précis dans le dos qui agissent sur les poumons comme des « interrupteurs respiratoires.