Lettre de Denise à Philippe, Royan, mardi soir, 18 septembre 1934

Phil, je ne sais pas si ma lettre arrivera avant moi, mais tant pis ! Je veux t’écrire tout de même…  Je me demande comment je pourrai rester un an sans te voir… Comment fais-tu pour avoir du courage ? Mais, au fond, je suis persuadée que tu n’en as pas du tout et que tu crânes seulement pour m’en donner.

Pendant que je t’écris, il pleut à torrents. Pourvu que ça cesse avant jeudi, je ne tiens pas du tout à emporter le parapluie de Maman cette année. Elle a essayé de me faire changer la date de mon voyage à Bordeaux, sous prétexte qu’il n’y avait pas assez longtemps que tu étais parti (naturellement, je ne lui ai pas dit que je voulais te voir deux fois).

Depuis ton départ, j’ai toujours été à Foncillon. Je joue au volley-ball avec les gosses de la plage. Il y en a une collection, entre 15 et 18 ans, qui sont vraiment très gentils (tu n’es pas jaloux ?). Indu s’est même découvert –enfin- un flirt parmi eux. Il était temps, elle ne se consolait pas de terminer les vacances sans avoir trompé Géraud au moins une fois. Maintenant, c’est chose faite. Il s’appelle Bob, il a 17 ans ½, il boxe très bien et est vraiment sympathique. Tellement qu’Indu est prise de scrupules et se demande si elle doit continuer de flirter avec lui, de peur de le faire souffrir ! J’ai été deux fois au casino avec elle, le soir, la première fois je me suis un peu amusée parce que j’ai dansé avec les gosses de la plage, la 2^e fois je me suis embêtée. Mais comme Indu connait beaucoup de monde maintenant, je n’ai plus besoin de l’accompagner.

J’ai rencontré ta mère le lendemain de ton départ, elle n’avait pas l’air très rassurée quant à tes dispositions pour le travail et elle craignait que tu suives Brachet. J’ai vu Mic (Drouin) aussi, il a quitté Bordeaux à cinq heures le jour de ton arrivée. Simone continue à se faire entretenir, soit par Hugueny, soit par le vétérinaire.

  Equipe de Rugby royannaise en 32-33 avec les frères Hugueny Paul et Pierre

En ce moment, Serge[1] est redevenu le grand favori. Rosé a reçu une nouvelle lettre anonyme dans laquelle on lui racontait l’accident et on le prévenait que Simone était la maîtresse du vétérinaire. Mais tout cela ne doit pas t’intéresser beaucoup. C’est seulement ce que je vois ou que j’entends depuis que tu es parti.

Les vacances à Royan de Denise, Simone et Indira (suite)

             

 à gauche, Simone, Denise, Indira                                           au centre Denise, Indira la tient par l'épaule

     

 Denise et Indira                                                                    assises à gauche, Simone et Indira, à droite, Denise

             

 au centre, Indira, à droite, Denise                               devant le Casino de Foncillon, au centre, assise, Indira, debout, Denise

Plage de Foncillon et le Casino de Royan en septembre 1934

Oh Phil, ce qui m’a rendu cette année si insupportable, c’est que je ne te voyais jamais autant que je l’aurais voulu. Et quand je pense à jeudi et aux heures si courtes que nous passerons ensemble, je me demande si je ne souffrirais pas davantage ensuite. Il me semble que je pourrais traverser la moitié de la terre pour avoir ce bonheur pendant cinq minutes seulement… Et toi ?

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[1] Serge Moriot, qui revient sur la scène épisodiquement.