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De si longues Fiançailles
13 octobre 2020

Lettre de Philippe à Denise, Anvers, samedi 23 novembre 1935

Tu dois me croire en ce moment en route vers le Golfe (du Mexique) et tu dois être fâchée parce que je ne t’ai pas écrit avant mon départ d’Anvers. Or nous sommes encore ici. Dimanche dernier, nous sommes arrivés vers 4h00 du matin devant Anvers et il faisait assez mauvais temps. Nous avons commencé par passer sur une bouée –qui, d’émotion sans doute, s’est éteinte !- puis lorsque nous sommes entrés dans les bassins à la suite d’un embarras de chalands et pour ne pas en couler, nous avons touché le quai assez brutalement. Résultat : voie d’eau près de l’avant, 3 tôles de coque plus ou moins défoncées et 70.000 francs de réparations sans compter les marchandises qui ont été copieusement arrosées.

1935 11 23 Port d'Anvers         Le mât Port d'Anvers Georges Braque1906

Le port d'Anvers, en noir et blanc, et sous les couleurs de Georges Braque (Le Mât, 1906)

Nous sommes en cale sèche en ce moment-ci jusqu’à lundi ou mardi, puis ensuite nous chargerons et partirons vendredi soir pour Cuba et le Mexique. Car, à la suite de notre retard, c’est un autre bateau qui fait notre voyage. Je n’irai sans doute pas à La Havane mais à un petit port situé au fond de la baie. Nous ferons aussi Matanzas[1] –un peu avant- et Tampico[2] dans le fond du Golfe. Enfin, je t’enverrai les escales avant de partir d’ici.

Je n’ai rien fait ici depuis l’arrivée –je suis allé juste une fois au cinéma voir Simone Simon dans Les Yeux Noirs[3]- et c’est tout, mais j’ai l’intention d’aller lundi faire une tour au musée[4] ; il y a pas mal de choses que je n’ai pas encore vues. L’ennui, c’est que j’ai peur qu’il y ait beaucoup de toiles qui soient à Paris en ce moment[5].

1935 11 23 les yeux noirs     "Les yeux noirs" avec Simone Simon (1935)

Moi aussi, quand je lis la coupure du « Jour » au sujet du mariage de G. de P. et de Colette[6], je suis un peu cafardeux –c’est un petit pincement au cœur assez désagréable, ce n’est pas de l’envie, puisqu’ils s’aiment, c’est très bien, mais je crois que ce serait préférable qu’il s’agisse de nous- bien que je n’aime guère cette publicité !

Je crains de ne te revoir qu’au mois de février (1936), le voyage sera sans doute plus long que prévu et dans ta dernière lettre tu me dis de m’imaginer à tes côtés. Je l’ai fait et puis j’ai pensé qu’il y avait très longtemps que ce n’était pas arrivé réellement, alors… quelques papillons noirs de plus ont voltigé.

Je n’ai reçu que deux lettres de toi depuis que tu es repartie du Havre.



[1] Matanzas est une ville portuaire et municipalité de Cuba, capitale de la province de Matanzas. Elle est située au bord d'une vaste baie, à 102 km à l'est de La Havane. Matanzas est appelée la « ville des ponts », dont dix-sept enjambent les trois rivières qui traversent la ville (Rio Yumuri, San Juan, et Canimar). Pour cette raison, elle est parfois nommée « la Venise » de Cuba. Grande ville industrielle, elle est aussi le quatrième port mondial pour l'exportation de sucre de canne.

[2] Tampico, située à l'embouchure du Río Pánuco, est la ville principale de l'État de Tamaulipas (Mexique septentrional), et l'acteur dynamique économique essentiel du golfe du Mexique. Bien qu'elle soit avant tout un grand centre de raffinage du pétrole, elle est également le deuxième port exportateur du pays, puisque c'est aussi un exportateur majeur d'argent, de cuivre, de bois de charpente, de laine et d'autres produits agricoles.

[3] Les Yeux noirs est un film français de Victor Tourjanski, sorti en 1935, avec Harry Baur, Viviane Romance, Simone Simon et Jean-Pierre Aumont.

[4] Philippe y a fait une visite lors de son premier passage à Anvers, qu’il raconte dans sa lettre du 20 avril 1935.

[5] En réalité, une grande exposition d’art belge s’est déroulée au Musée du Jeu de Paume à Paris en février-mars 1935 et les toiles ont certainement déjà réintégré leurs musées en novembre.

[6] Impossible à ce jour, malgré toutes mes recherches de découvrir qui se cachent derrière ces initiales et ce prénom. Quant au journal, « Le Jour », nulle trace en 1935. Si quelqu’un a une piste…

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