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De si longues Fiançailles
17 avril 2021

Lettre de Philippe à Denise, Bord lundi soir 7 juin 1937

Je voudrais ce soir te dire tout ce que je fais et te parler des garçons qui sont avec moi pour que tu puisses imaginer ma vie.

D’abord, celui que je vois le plus est Carus[1]Je le connais mieux maintenant et c’est vraiment un chic type –très fils d’officier mais sans préjugés idiots.

de g à dr cdt Draoulec M     1937 06 07 cdt Carus en 1953

 

de gauche à droite, commandant Draoulec, M. Nizerce, commandant Carus, en 1953

1937 06 07 Cdt Georges Carus Ce que je n'avais pas dit  Georges Carus, condisciple de Philippe à Toulon

Je sors aussi avec de Langle[2] –garçon très snob.

blason des de Langle J De Langle, marin de père en fils... (J.F Millet Portrait d'un officier de marine, 19e siècle)

Dutour, qui a un passé agité et qui, paraît-il, n’est pas toujours très correct, mais il semble avoir une grande amitié pour moi et je n’y vois pas d’inconvénient. Avec deux ou trois autres, nous formons une bande –en terme militaire : une série- assez intéressante. Comme d’habitude, les gens qui m’entourent ne s’entendent pas et c’est toujours amusant d’être le trait d’union.

Hier, je ne suis pas sorti, samedi –je suis allé au Lavandou et me suis baigné un peu plus loin au Rayol. C’est une petite plage où il n’y a presque personne et beaucoup de rochers. L’eau est très claire et semble éternellement bleue et plate.

Nous apprenons des tas de choses –comment est faite une torpille et comment on la lance –tout ce qui a trait à l’artillerie –et il y en a- Les compagnies de débarquement consistent en ceci : affublés d’un ceinturon de 3 cartouchières, d’une baïonnette et d’un mousqueton, nous partons à terre jusqu’à un champ de manœuvre et là, nous jouons à la petite guerre pendant deux heures. Entre les cours et les conférences, nous faisons de l’aviron, de la voile et aussi la manœuvre d’un petit vapeur. Jeudi dernier, nous avons passé la journée sur un contre-torpilleur –nous devions sortir pour des tirs mais il faisait trop mauvais temps. Nos journées sont évidemment bien remplies…

Il paraît qu’il y aura 5 places pour l’aviation et 3 pour l’aérostation –mais ce n’est pas encore officiel.

J’ai reçu samedi une lettre de ta mère et de ton père. Présente-leur mes respects et donne-moi des nouvelles de ton père. Et ta tante ?

Je compte les jours qui nous séparent, ceux qui sont avant notre réunion complète –notre mariage. Si tu savais combien j’y songe et combien je l’attends.

Eric Brunet Un Monstre à la Française 2015     Georges carus Un monstre à la française 1 Eric Brunet

Georges Carus Un monstre à la française 2 Eric Brunet  Georges Carus Un monstre à la française 3 Eric Brunet

Georges Carus Un monstre à la française 4 Eric Brunet     Georges Carus Un monstre à la française 5 Eric Brunet



[1] Georges Carus (1913-2004), Officier de la Marine nationale. - Arbitre pour la Chambre arbitrale maritime de Paris (en 1996). - Directeur général des "Remorqueurs de l'Océan". Auteur de deux ouvrages :

-           Il était une fois une goélette (1996)

-           Ce que je n’avais pas dit (2009) (posthume)

Présentation du livre de Georges Carus « Ce que je n’avais pas dit » (2009) : Au cours des derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, ou à la fin de celle-ci, malheur à qui ne se déclarait pas gaulliste avéré (même si sa conversion était récente), ou communiste encarté. Il exista pourtant des hommes qui n'étaient ni l'un ni l'autre et qui, ayant fait un autre choix, sont allés jusqu'au bout de leur engagement et de leur fidélité à « une certaine idée de la France ». Le Commandant Georges Carus était l'un d'eux. C'est ce qu'il raconte dans ce témoignage écrit avant sa mort, comme une sorte de testament. Toute son existence, de droiture et de courage, est garante de sa part de vérité. Ce marin de métier avait une haute idée du service que l'on doit à son pays et de l'amour de la Patrie. Elle l'a guidé dans sa lutte contre le bolchevisme sous la bannière de la Milice, en France et en Italie, sans que jamais il puisse être accusé des excès commis par certains à l'encontre de leurs compatriotes : les « salauds », au sens que Sartre donne à ce mot, n'étaient pas d'un seul bord, nous le savons bien aujourd'hui. Il fut jugé pour son engagement du côté des vaincus de l'Histoire, mais acquitté au nom de la droiture qu'il manifesta en toutes circonstances, même les plus douloureuses. Le récit qu'il a laissé sonne comme un appel à la tolérance, en nos temps d'absolutisme sans nuances, et brosse le portait d'un homme qui, certes, pour les vainqueurs, avait pu se tromper dans certains de ses choix, mais pas dans celui d'une vertu qui se fait rare aujourd'hui : l'honnêteté.

[2] J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un  descendant de la lignée des Fleuriot de Langle, famille de la noblesse bretonne : Paul Fleuriot de Langle (1744-1787), Alphonse Jean René Fleuriot de Langle (1809 - 1881). Dans ces familles, on est marin de père en fils, ce qui peut expliquer la remarque de Philippe, qui s’applique donc également à ce jeune de Langle, qui portait le titre de marquis de Langle et avait des armoiries de famille (voir ci-dessus)

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